La chronique de la deuxième étape de cette odyssée vélocipédique se poursuit avec un bulletin d’actualités touchant nos derniers coups de pédale au Mozambique et notre entrée rêvée en Afrique du sud : échos des tropiques et…de la savane!
Revigorés par un séjour à Praia do Tofo, l’une des plages emblématiques du Mozambique que caresse et agresse le ressac de l’océan Indien, et encore envoutés par le traitement exquis que nous a prodigué l’équipe du Kumba Lodge—quoique courbaturés par la session de yoga Slow Flow de maître Steven!—, nous avons remonté en selle pour sortir de la péninsule et « célébrer » nos retrouvailles avec la N1. L’escale à Inhambane, capitale provinciale et ville paisible aux forts accents coloniaux, nous paraît étrange, spectrale même, quasi lugubre avec ses rues désertes sous un soleil de plomb. Nous sommes jeudi le 25 septembre et, à notre grande surprise, c’est férié : journée nationale des Forces Armées. Heureusement que nous avons fait le plein dans les supermarchés près de Tofo qui comptent sur les touristes de la populaire station balnéaire, principalement sud-africains, pour faire de bonnes affaires…
La tempête est passée et le beau temps retourne sur Praia do Tofo et son atmosphérique Kumba Lodge. Province d’Inhambane, République du Mozambique.
Escale « spectrale voir lugubre » à Inhambane durant le Jour des Forces Armées, certes, mais aussi colorée… Province d’Inhambane, République du Mozambique.
Sur la N5, entre Inhambane et Lindela, près de Jangamo, poterie aux couleurs locales, dunes de la péninsule de Tofo. Province d’Inhambane, République du Mozambique.
Nous émergeons de la péninsule de Tofo et rejoignons la route nationale au carrefour de Lindela. Depuis la bourgade de Massinga, quelque 70 bornes au nord de Maxixe, la N1 s’est métamorphosée en autoroute tropicale : 2 voies asphaltées munies d’un accotement chacune et bordées de manguiers, anacardiers et irradiantes cocoteraies. Nous nous entendons avec les sympathiques proprios du complexe Quinta San Antonio pour camper dans l’enceinte au jardin tropical à côté de l’un des bungalows, sa porte déverrouillée pour que nous puissions utiliser la salle de bain. Ils nous initient au vetkoek, spécialité sud-africaine qui consiste en un gros beignet frit fourré à la viande hachée assaisonnée…comme un pain à la viande québécois auquel on a substitué le pain à hot-dog grillé par une brioche graisseuse! Délicieux et…soutenant! Puis en nous remettant à la Route, ils nous refilent un demi kilo des meilleurs fruits tropicaux séchés que nous ayons mangés!
Portrait de famille avec nos hôtes de la Quinta San Antonio, Adelaïde et Victor. Province d’Inhambane, République du Mozambique.
Il n’y a rien comme une charrette 2 boeufs-vapeur pour accéder aux fruits des cocotiers! Province d’Inhambane, République du Mozambique.
Chaque village possède sa recette de piri piri et l’offre de bord de route sur la N1 est faramineuse. Province d’Inhambane, République du Mozambique.
On y retrouve beaucoup de noix cajou itou! Province d’Inhambane, République du Mozambique.
Plus au sud, le littoral est ponctué d’étranges lagunes turquoise, certaines s’étirant sur plusieurs kilomètres. Il s’agit de lacs qui sont préservés de l’eau de mer par ces dunes qui se dressent devant l’océan Indien tels des remparts ici. À la sortie du chef-lieu d’Inharime, où nous avons cassé la croûte à l’ombre d’une terrasse couverte tandis que le mercure atteint les 38 degrés, dévoré notre ration quotidienne de poulet rôti au piri piri avec frites, la N1 nous fait découvrir la lagune de Poelela qui, avec sa taille, sa plage de sable immaculé et ses teintes azurées, évoque plutôt l’océan…tout près, de l’autre côté de l’horizon! Hormis la lagune de Quissico qu’on peut apercevoir de la route nationale en descendant vers la bourgade du même nom, perchée sur une arête plus d’une centaine de mètres au-dessus du plan d’eau et…de la mer, toutes les autres ne sont accessibles que par des allers-retours de plusieurs kilomètres, la plupart sur des pistes de sable hostiles aux pneus de moins de 10 pouces de diamètre. La N1 oscille allègrement dans la plaine côtière jusqu’à Xai-Xai, capitale de la province de Gaza sise à l’embouchure du fleuve Limpopo, et nous effectuons des étapes quotidiennes d’environ 75 bornes sous un soleil sans pitié. Les nombreuses rencontres qu’occasionnent nos coups de pédale avec Mozambicaines et Mozambicains, toujours teintées de chaleur et bienveillance, continuent d’attiser notre affection pour le pays.
Janick franchit le rio Inharime avec la lagune de Poelela à bâbord. Province d’Inhambane, République du Mozambique.
On retrouve également beaucoup de produits en osier sur l’accotement de la N1 dont de magnifiques volières. Province d’Inhambane, République du Mozambique.
Pour qu’on se souvienne de la terrible guerre civile qui a miné le Mozambique pendant 12 ans et qu’on ne répète pas les erreurs du passé : mémorial sur le site d’un charnier, fosse commune en marge de la route nationale 1. Province d’Inhambane, République du Mozambique.
Dernière journée annoncée d’un autre cycle de températures torrides et nous nous lançons dans la fournaise pour tenter de joindre Macia, carrefour fébrile à l’intersection de la route qui conduit à la station balnéaire de Bilene avec ses complexes touristiques nichés soit sur les rives de son lac ou celles de l’océan Indien; d’un côté ou de l’autre de la muraille de sable qui tient le littoral. Sur le pont qui enjambe le fleuve Limpopo et tout le long de sa plaine alluviale, large d’une dizaines de kilomètres, des vents du sud atteignant les 50 km/h confirment le changement de climat à venir…et nous en font baver sur l’étroit accotement! Nous pénétrons ainsi dans une nouvelle zone de la plaine côtière mozambicaine et les cocoteraies cèdent alors le terrain, devenu plat, aux plantations de canne à sucre. Sieste à l’ombre d’un resort de bord de route moribond où on nous a servi notre ration de poulet rôti piri piri et frites quotidienne—ça prend une heure pour le préparer, de toute façon…—puis dernier droit jusqu’à Macia. Nous louons une chambre dans une pension occupant le deuxième étage d’un immeuble situé à l’intersection de Bilene et avons dû changer de chambre à deux reprises car leurs climatiseurs étaient tous défectueux…tout ça pour nous réveiller une journée de tempête avec averses, bourrasques et moins de 20 degrés! « Ils sont fous ces Canadiens! » ont sûrement pensé nos hôtesses…
Janick quitte Xai-Xai et franchit cette fois le fleuve Limpopo cap vers le sud. Après le Zambèze, c’est le plus important cours d’eau africain à se jeter dans l’océan Indien. Province de Gaza, République du Mozambique.
Solides jouets en fer à vendre sur l’accotement de la N1 au bled de Magul. Province de Gaza, République du Mozambique.
Camion-jouet plus frêle mais tout aussi amusant avec fanion à saveur électorale dans la petite ville de Manhica. Province de Gaza, République du Mozambique.
Notre aventure transmozambicaine sur la route nationale 1, cette « ascension » progressive et quasi structuraliste de près de 1500 kilomètres vers le midi et la « civilisation », touche à sa fin quand nous lui faussons compagnie pour emprunter la route métropolitaine flambant neuve qui conduit à la Costa do Sol ainsi qu’aux quartiers huppés de Maputo : c’est qu’on nous attend au Serena Polana, hôtel historique et emblématique de la capitale du Mozambique. La généreuse invitation consistait à nous héberger 2 nuits dans l’une des luxueuses chambres de ce véritable palais et nous sustenter à grands coups de buffets…3 fois par jour! De quoi nous remonter le Canayen et tout un cadeau de la Route! Obrigados!
Arrivée à Maputo via sa Costa do Sol. Province de Maputo, République du Mozambique.
Érigé il y a plus d’un siècle, l’hôtel a accueilli au fil des décennies les gens riches et célèbres faisant escale dans la capitale du Mozambique, qu’on appelait jusqu’en 1976 Lourenço Marques. On raconte même que des espions du clan des Alliés tout comme celui de l’Axe s’y retrouvaient, cocktails en mains, pour échanger information en terrain neutre durant la Deuxième Guerre Mondiale : espionnage, contre-espionnage et libations sous les tropiques! Moins excitant mais digne de mention, la présidente de la Tanzanie, Samia Suluhu, occupait la suite…présidentielle durant notre séjour. Nous avons réussi à soutirer une risée ou deux à ses gardes du corps qui gardaient l’étage de la suite devant les escaliers que nous dévalions à la course pour aller nous empiffrer…ou à notre retour, gravissant péniblement l’escalier en tapis, une main sur la rampe, les panses saturées! Le Serena Polana est pourtant bien équipé d’un superbe ascenseur Otis d’époque, mais nous sentions le besoin de nous auto-flageller, ne serait-ce que très légèrement…
Nous roulons sur le « macadam rouge » du palatial Serena Polana, fleuron de la chaîne d’hôtels est-africaine dans la capitale mozambicaine. On s’y fait payer la traite pendant 2 jours! Province de Maputo, République du Mozambique.
Saucette palatiale à l’hôtel Serena Polana de Maputo
Cette escale dans un établissement aussi riche tant sur les plans historique, architectural que gastronomique représentant une destination en soi, nous avons déménagé au terme de ces deux nuitées dans une pension disons, plus modeste, pour faire nos dévotions touristiques dans la capitale. Un peu comme à Inhambane, bien que nous soyons un jour de semaine, un vendredi en l’occurrence, nous tombons encore une fois sur un congé férié! Cette fois, c’est le 4 octobre et il s’agit du Jour de la Paix et Réconciliation nationale. Nous errons donc dans le centre-ville, attirés surtout par la célèbre Maison de fer, la gare centrale et le vieux fort des Portugais, dans une ambiance étrange, post-apocalyptique, ses rues et avenues bordées de grands immeubles et gratte-ciel désertées de tous sauf les sans-abris, des vendeurs ambulants hardis, des troupes endimanchées pour photos de mariage autour de ces mêmes monuments dont certains évoquent les premières années communistes du Mozambique et…des touristes insouciants!
Monuments de Maputo
Nous évacuons Maputo sur son périphérique en parcourant ses cadrans nord/nord-ouest pour rejoindre la N4 vers l’Afrique du sud et…la savane du lowveld, nom inspiré de l’afrikaans qu’on donne ici aux prairies de basse altitude. Nous vivons un certain dépaysement sur l’accotement large et soyeux de l’autoroute internationale en l’absence de villages et leurs habitants. Plutôt en compagnie de vraquiers qui transportent le chrome et autres minerais des prolifiques gisements du Transvaal, à l’ouest de Pretoria, vers le port de Maputo, nous sommes progressivement enveloppés par la savane durant cette douce ascension vers les postes frontaliers de Ressano Garcia et Lebombo. Alors que nous prenions une pause et transvidions des bidons d’eau l’un dans l’autre, un camionneur s’en retournant en Afrique du sud, témoin de la scène et croyant que nous agitions nos bouteilles pour demander de l’eau, se gare une couple de centaines de mètres plus loin pour venir à pied nous remettre un cruchon…en vain! Comme quoi la solidarité routière existe et se porte bien! Au terme d’une chevauchée de 85 bornes, nous campons du côté mozambicain de « la ligne » au convivial JoMoz, l’un de ces complexes autarciques qui prospèrent en pleine brousse. Nous refaisons un peu le monde avec son fondateur, Jo, un Sud-africain à la retraite qui, entre autres occupations, écrit des bouquins sur les chiens. Il nous a raconté comment il est enfin parvenu à trouver des spécimens d’une espèce de café rarissime, endémique au Mozambique et des plus adaptées aux climats arides : coffea racemosa Loureiro…savais pas! Sa pépinière en est pleine et il s’attend à obtenir sa première récolte d’ici 4 ou 5 ans…hâte de goûter ça!
Afrique du sud
Avant de joindre les rangs des hordes de vacanciers de fin semaine en ce dimanche matin pour passer la frontière, nous esquivons une tentative d’arnaque en changeant nos derniers meticais—se faire avoir une fois aura suffi—voir billet « Péripéties bas-zambéziennes… ». Nous les vendrons plutôt aux « dames sous le grand arbre », à la première station-service sud-africaine, comme on les décrit dans l’application iOverlander. À l’entrée en Afrique du sud, l’agente d’immigration estampe nos passeports avec une autorisation de séjour de 3 mois sans lever les yeux ni nous adresser la parole! Ça tombe bien car nous avons un autre rendez-vous, cette fois chez Ruan à Marloth Park, au Calabash Safari Lodge, quelque 40 kilomètres plus à l’ouest. Nous faisons le plein au SuperSpar de Komatipoort, où nous procédons également à notre rituel d’entrée dans un pays—déguster une bière—puis filons au nord vers Crocodile Bridge avant de bifurquer à gauche sur la Olifant Drive qui nous conduit à Marloth Park. La communauté barricadée, regroupant auberges et résidences secondaires dans une forêt aride surplombant la rivière Crocodile, est fréquentée par plusieurs bêtes de la savane : impalas, phacochères, cobes à croissants, singes verts, babouins, zèbres, girafes, céphalopes et même des léopards, discrets! C’est que la rivière Crocodile incarne la frontière sud de l’immense et célébrissime parc national Kruger et qu’une réserve, la Lionspruit, borne au sud Marloth Park. Au programme durant cette escale : safari pédestre matinal et un game drive avec apéro crépusculaire la première journée puis, le lendemain, un safari d’une journée au parc national Kruger…le tout avec les plats exquis, les connaissances de la savane approfondies et le savoir-recevoir inné du charismatique Ruan, guide de brousse et co-propriétaire du génial établissement! Ah oui, et la charmante compagnie de deux couples de nos cousins d’outre-Atlantique : à bientôt Nathalie, Joël, Brigitte et Sylvain!
Vous savez quoi?
J’aimerais bien avoir l’occasion de vous revoir en vrai!!!
Quand vous aurez fini votre balade venez faire un tour chez moi ou mieux on se fait une virée (pas en vélo!) dans le Tassili N’ajjer au sud de l’Algérie avec mon ami Aissa!
Quel voyage !!
Merci du partage
Bonne route
Carole
De toute beauté vos photos et quel récit!
On pense fort à vous et merci de nous faire voyager!