Poursuivant vers le sud dans la vallée du Grand Rift africain, nous avons surtout emprunté les voies naturelles du lac Malawi et de sa décharge principale, la rivière Shire, jusqu’à son union avec le Zambèze, l’un des plus importants fleuves du continent, et ce, au Mozambique, dans sa plaine fournaise…péripéties bas-zambéziennes ou l’anatomie d’une longue glissade!
Nous disons nos aurevoir au lac Malawi, ce joyau du Rift, à Leopard Bay, suivant un séjour qui nous aura bien enhardis au Joma Adventure Lodge, puis avons rebroussé chemin jusqu’au carrefour de Salima, à une tentaine de bornes du lac, où nous avons mis le cap vers le sud, bifurquant sur la M5. On vante les charmes de Cape Maclear et Monkey Bay, dans cette péninsule aux formations insolites et relief spectaculaire sise à l’extrémité méridionale du lac qui abrite également le parc national du lac Malawi, mais nous optons pour la voie la plus directe vers Zomba, ancienne capitale sous les régimes coloniaux de l’Afrique centrale britannique et protectorat de Nyasaland puis celle du pays jusqu’en 1975. La ville paisible au climat vivifiant est juchée à près de 1200 mètres d’altitude sur une terrasse des hauts plateaux de la Shire, autres bosses du Rift.
Portrait de famille avec nos nouveaux amis du Joma Adventure Lodge qui nous ont dorlotés et traités aux petits oignons pendant 4 jours! Quelle vitrine sur le lac Malawi, véritable mer intérieure avec ses vagues, horizons et lagons! Région centrale, République du Malawi.
Étalages de saison en bord de route vers Salima. Les jeunes mangues vertes et surettes font leurs premières apparitions… Région centrale, République du Malawi.
Cap vers le sud! Région centrale, République du Malawi.
Au village de Mtakataka, nous sommes autorisés à camper à l’intérieur de l’enceinte de l’école secondaire par les enseignants qui y résident en permanence. Les vacances s’étirent—plutôt sévissent…—encore ici jusqu’au 16 septembre. Région centrale, République du Malawi.
Charbon de bois à vendre en marge de la M5. On estime que 96% des 21 millions de Malawites utilisent du bois ou charbon de bois pour cuisiner et se chauffer. Prix de cette utilisation par une population en pleine croissance démographique : déforestation effrénée et ses périlleuses répercussions environnementales! Région centrale, République du Malawi.
Pause mécanique à Balaka pour un alignement de roue mineur. L’omniprésence de ces ateliers de bord de route fascine et nous facilite la vie! Région méridionale, République du Malawi.
À Liwonde, nous franchissons la rivière Shire, l’une des artères du Rift austral et émissaire des lacs Malawi et Milombe, pour la première fois. Un pont, c’est pratique pour traverser un cours d’eau… Région méridionale, République du Malawi.
Parvenus sur les hauts plateaux de la Shire, à Zomba, nous prenons une journée de congé pour nous réaprovisionner et respirer l’air frais avant de replonger dans le fond de la vallée du Rift. Tandis que la M3 reste haute et relie Zomba à Blantyre, moteur économique et deuxième agglomération du Malawi, via le carrefour de Limbe, là où la M2 poursuit sur l’arête de l’escarpement de Thyolo qui, tapissé de thé, surplombe la rivière Shire, nous dégringolons de notre perchoir vers la plaine de Phalombe pour lécher les pieds d’un fabuleux inselberg coiffé d’un archipel de sommets granitiques, le massif Mulanje. Il abrite le point culminant du pays, le pic Sapitwa qui s’élève à 3002 mètres. En route, nous apercevons plusieurs panneaux et chapiteaux identifiés à de nombreuses agences onusiennes—on en est encore à se remettre du cyclone Freddy qui a fait du sur-place sur le sud du Malawi et centre du Mozambique pendant un mois au début 2023 alors qu’une séchéresse en cette année El Niño est en train de menacer la sécurité alimentaire de millions de personnes dans la même région…—et nous partageons la voie asphaltée archi-plane avec des légions de cyclistes.
Sur la piste raccourci entre Zomba et la route S144 qui nous conduira jusqu’au contrefort du massif Mulanje, à Phalombe, une épine dans le pneu! Région méridionale, République du Malawi.
Nous ressortons notre coffre à outils sur la S144 pour tenter de remettre en marche la bécane de notre jeune cycliste. L’essieu de sa roue arrière complètement pété, nous l’avons remorqué jusqu’à l’intersection du sentier vers son village où des jeunes hommes de sa communauté à vélo ont pris le relais…entraide cycliste! Région méridionale, République du Malawi.
Adoption? Livraison? En route vers sa nouvelle maison! Région méridionale, République du Malawi.
Cinq personnes sur un vélo, là! Région méridionale, République du Malawi.
Au village de Phalombe, à l’intersection des routes S144 et S147 que domine le mont Mchese, l’un des sommets granitiques du massif Mulanje. Région méridionale, République du Malawi.
Ultimes rayons solaires de la journée sur les parois du mont Mchese (2281 mètres). Avec ses nombreux sommets escarpés, le massif Mulanje n’a pas fini d’attirer grimpeurs du monde entier. La face nord-ouest du mont Chambe (2545 mètres), confrère de granite du pic Mchese, offre la plus longue voie d’escalade d’Afrique. Région méridionale, République du Malawi.
Rafraîchissante diversion côté jardin, escapade matinale dans l’une des vastes plantations de thé tapissant les contreorts sud-ouest du massif Mulanje. C’est suite à l’appel de Livingstone, qui est passé par le massif Mulanje en 1859, que des missionaires et colons écossais sont venus s’établir et cultiver le thé sur une échelle considérable pour la première fois hors d’Asie. L’archipel de sommets dépassant les 2000 mètres d’altitude crée son propre climat et des précipations régulières et abondantes arrosent ses pics et plateaux. Des forêts pluvieuses uniques foisonnaient jadis dans les étroits couloirs de l’intérieur du massif et l’exploitation forestière était florissante. Il en reste peu et une réserve de protection a été créée en 1927. Région méridionale, République du Malawi.
Derniers coups de pédale dans le thé du Malawi. La formation que nous apercevons en arrière-plan, partie intégrante du massif Mulanje, se trouve au Mozambique et domine la p’tite ville frontalière de Milange. Région méridionale, République du Malawi.
Mozambique
Nous nous attendions à passer une demi-journée pour nous acquitter des tâches, courbettes et acrobaties requises pour entrer au Mozambique—les rapports récents sur l’application iOverlander racontent qu’il fallait montrer des preuves de réservation d’hôtel avec reçu, payer les frais administratifs en devise locale, le metical et, si on ne possédait ni l’un ni l’autre, aller dans la ville de Milange, oui, oui, sans estampe et…son passeport, à 3 kilomètres de la guérite, pour louer une chambre et/ou changer de l’argent—mais on nous a plutôt déroulé le tapis rouge! On s’est satisfait de notre parole pour la réservation d’hôtel et on a accepté nos dollars pour les frais d’administration…payants les efforts de Janick pour apprendre le portugais depuis les derniers mois! L’an dernier, il fallait effectuer les mêmes allers-retours en moto pour photocopier ses documents! Imaginez quand on requérait encore un visa…ouf! Deux heures après avoir quitté le Malawi, nous étions déjà en train d’arpenter la rue principale de Milange pour nous familiariser avec son offre en victuailles—coup de cœur pour le pain blanc moelleux et croûté d’inspiration portugaise!—, nous procurer une nouvelle carte SIM et changer nos kwachas du Malawi…les rapports sur iOverlander nous préviennent aussi des tours de passe-passe des changeurs-prestidigitateurs de la « Main » de Milanje et avec raison : un chenapan et ses canailles nous ont eus de 3500 meticais soit environ 75 dollars canadiens!
Pour demeurer dans la vallée du Grand Rift—et inspirés par les rapports d’un couple de cyclistes britanniques qui s’y sont faufilés 3 mois avant le passage de notre caravane : longpedaldown—, nous avons entrepris d’emprunter un enchaînement de pistes les plus relevées les unes que les autres avec traversées mémorables de la Shire et du Zambèze jusqu’à la route nationale N1 dans le chef-lieu de Caia, à 300 bornes de Milange. Poursuivons avec la dissection de ce parcours…
Avec la bénédiction des agents d’immigration, nos passeports en règle, nous débarquons au chef-lieu de Milange. Province de Zambézie, République du Mozambique.
Au terme de notre première journée sur la piste mozambicaine R650, une demi-journée plutôt, nous faisons escale au village de Dula. Nous demandons au responsable du centre de santé local si nous ne pourrions pas camper à l’intérieur du périmètre clôturé de son « sanctuaire » mais il doit en informer les autorités compétentes locales. Celles-ci nous convoquent tous à la résidence du chef du conseil du village avec ses deux officiers de police. Pendant que nous attendons le chef du conseil chez lui, notre docteur tente de vendre notre plan à la police qui, visiblement, le démolit. Puis arrive le chef et les véritables palabres s’enclenchent. On fait quelques appels téléphoniques, la police demeure tendue mais le chef rassure et tranche : « Vous pourrez dormir en toute sécurité dans les bureaux du conseil de village! Allons-y! » Bon à savoir pour nos prochaines requêtes en milieu rural… Province de Zambézie, République du Mozambique.
Depuis la plaine de Phalombe, au Malawi, nous évoluons entre les 600 et 700 mètres d’altitude. À quelque 70 kilomètres de Milange sur la piste R650, nous amorçons la descente vers la grande plaine du Zambèze, 20-30 mètres au-dessus du niveau de la mer. Chouette ambiance sur la R650! Province de Zambézie, République du Mozambique.
Nous découvrons avec grand plaisir que les Mozambicains semblent plus intéressés par notre passage chez-eux et les circonstances du voyage, l’histoire des déplacements qui nous y ont conduits que profiter de l’occasion pour nous soumettre une demande d’aide financière et de soutien matériel…et les besoins sont incommensurables ici! Principalement pour cette raison mais aussi parce que le Mozambique est encore hors des circuits de tourisme et ainsi recèle son lot de promesses d’aventures et p’tites découvertes, nous avons décidé de poursuivre ici jusqu’à Maputo, la capitale, puis l’Eswatini. Il s’agit d’une distance considérable et nous aurons besoin d’une extension de visa en cours de route pour la parcourir à vélo…et prendre le temps d’en profiter et rendre compte! Le modus operandi pas clair, notre pari! À suivre… Province de Zambézie, République du Mozambique.
Dernière montée avant de dévaler sous les 50 mètres! Une vaguelette de chaleur frappe le secteur et on annonce des pointes de 38 degrés pour les 3 prochains jours…puis la pluie! Une première en 3 mois! Province de Zambézie, République du Mozambique.
Au bled de Chire, nous nous entendons avec les ados en charge d’un improbable guesthouse pour camper dans un coin de la cour intérieure au lieu de louer l’une de ses chambres carcérales. La proximité avec le Malawi, de l’autre côté de la Shire et des marais qui contiennent son lit, favorisent les échanges informels de sorte que les villageois ici, qui parlent le Chichewa, transigent aussi bien avec le metical que le kwacha. Nous avons payé notre droit de camping en meticais et notre souper (riz et poulet grillé) en kwachas. Province de Zambézie, République du Mozambique.
Nous croisons des ruines de bâtiments coloniaux entre les villages de Chire et Morire, en marge de la R650, endommagés durant la guerre civile qui a sévi au Mozambique de 1980 à 1992. Suivant 5 siècles de domination portugaise, de l’arrivée du navigateur Vasco de Gamma en 1498 jusqu’à l’indépendance en 1975, obtenue au terme d’une guerre qui, elle, aura duré 10 ans, l’histoire récente du Mozambique comporte son lot de violence. Opposant les forces gouvernementales dirigées par le FRELIMO, front de libération qui a obtenu l’indépendance, et le RENAMO, mouvement de résistance s’opposant à l’idéologie marxiste ainsi qu’aux méthodes du gouvernement jugées opprimantes et infructueuses, le conflit fratricide a fait près d’un million de victimes et déplacé 5 millions de personnes. Depuis l’accord de paix, FRELIMO et RENAMO ne s’affrontent que dans l’arène politique…à coups d’arguments et suffrages seulement! D’ailleurs, une campagne électorale déferle présentement sur tout le pays avec un scrutin général prévu le 9 octobre prochain. D’autres partis sont dans la course. Il y a l’insurrection djihadiste aussi qui sévit au nord du pays dans la région de Cabo Delgado depuis 2017 mais les enjeux géopolitiques et parties prenantes en présence de ce conflit sur fond d’importants gisements de gaz naturel débordent les frontières du Mozambique…et notre propos! Province de Zambézie, République du Mozambique.
Dans le bormio de la grande plaine du Zambèze, la piste africaine quintessentielle! Province de Zambézie, République du Mozambique.
Poursuivant dans la savane sur cet enchaînement de pistes, nous avons quitté la R650 au sud de Morire pour continuer de pédaler en parallèle de la Shire vers l’étrange village de Megaza. Écoles et cliniques en ruines juste à l’orée de la bourgade, le centre est encore plus déstabilisant avec des bâtiments administratifs et un cinéma ravagés par la guerre civile qui gisent de part et d’autre d’une large avenue aux deux voies sablonneuses séparées d’un terre-plein planté de palmiers.
Le plaisir de rouler sur une piste tropicale et se vautrer dans sa moiteur et…poussière! Coup de chance cette fin de journée au village de Morerembe, on nous a invités à camper dans la cour d’une résidence familiale équipée d’une salle de bain extérieure avec un puits à proximité. Province de Zambézie, République du Mozambique.
Nous érigeons nos quartiers pour la nuit dans la cour d’une résidence familiale du village de Morerembe. Foudre et tonnerre dans la nuit de la grande plaine du Zambèze. Une couple de faibles averses de quelques minutes, premières « vraies » gouttes de pluie de la deuxième étape de cette odyssée vélocipédique! Province de Zambézie, République du Mozambique.
Un auditoire pour notre vaudeville mécanique! Province de Zambézie, République du Mozambique.
Autre vicitime de la guerre civile, une station balnéaire d’inspiration soviétique érigée sur des sources d’eau thermale (aguas tiembes) de la vallée du Grand Rift africain, entre la rivière Shire et le mont Morrumbala (1171 mètres). Province de Zambézie, République du Mozambique.
Deuxième traversée de la rivière Shire! Toute notre caravane vogue dans la même pirogue avec un équipage de 3 personnes sur cet affluent du Zambèze qui pullule de crocos et hippos…tout ça devant la surveillance solennelle du mont Morrumbala! Traversée à péage de 400 meticais. Provinces de Zambézie et Tete, République du Mozambique.
Traversée du Zambèze mémorable et effroyable entre Mutarara et Sena sur l’infâme pont Dona Ana: plus de 3,5 kilomètres sur cette passerelle rapiécée de toutes parts et moribonde! Construit en 1934 par les Portugais et initialement un pont ferroviaire, on l’aurait converti pour la circulation routière lors des réparations d’après-guerre civile (USAid) puis réparé à nouveau en 2009 pour le passage de motos, piétons et…vélos! Autres travaux en 2016-17. Pourtant, on y avance encore sur des dalles de ciment cassées ou tombées à tous les 50 mètres. Fallait entendre le cliquetis des pièces du plancher au passage de vélos et motos…le fleuve, ses crocos et hippos sous les interstices béants! Dona Ana a fait plusieurs victimes…sensations et émotions fortes au-dessus du Zambèze! Provinces de Tete et Sofala, République du Mozambique.
Sur la piste entre Sena et Caia, nous attendons à l’abri d’une salle de classe que passe un premier orage. Nous retournons sur la route puis une succession d’averses s’ensuivit… Province de Sofala, République du Mozambique.
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Encore plus bas sur le Zambèze, à Caia, cette glissade nous aura entraînés jusqu’à l’artère principale du réseau routier mozambicain, la N1. Nous ne sommes qu’à quelques jours de route du mont Gorongosa et fleuve Pungue, terminus méridional du Grand Rift africain et prochaines escales de notre caravane puis…les péripéties suivantes!
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