Suivant ma convalescence, la deuxième étape de cette odyssée vélocipédique reprend en un intense segment teinté de maintes rencontres avec nos congénères, certaines étonnantes, et moments intimes avec la nature dans la province sud-africaine de KwaZulu-Natal, un circuit et chapitre qui culminent avec une ascension épique des parois du Grand Escarpement vers le mystérieux royaume de montagnes du Lesotho : Zoulouland, ex-présidents et édifiant Drakensberg!
Même si mes ganglions travaillent encore à combattre l’infection causée par la morsure de tique sur ma cuisse droite, nous quittons notre chambre de l’hôtel Bayside d’Empangeni, grand centre de la culture et raffinage de la canne à sucre, après un traitement aux antibiotiques et congé forcé de 10 jours. Nous parcourons une dizaine de bornes sur l’achalandée R34 avant de bifurquer sur notre gauche et la P230, passage rural vers la petite ville d’Eshowe. Sur la route paisible, nous délaissons les champs industriels et la plaine côtière pour slalomer, grimper et dévaler parmi des collines verdoyantes et jonchées de regroupements de maisons en blocs de ciment pastel, rondavelles (huttes circulaires) aux toits de chaume et kraals (enclos d’épines également circulaires). Puis la P230 épouse les courbes de niveau des arêtes de ces collines de plus en plus imposantes que broutent les bovins, caprins et ovins des environs, dominant la vallée de la rivière Mhlatuze tout aussi garnie de maisonnettes colorées, rondavelles et kraals. Nous intégrons ainsi le cœur du Zoulouland, le pays des Zoulous ou encore, dans leur langue, KwaZulu.
Eshowe est le site du plus ancien peuplement européen du royaume zoulou. Après que le roi Cetshwayo, qu’un prince à l’époque, y fit ériger un kraal royal en 1860—fortifications militaires circulaires traditionnelles chez les Zoulous et Ndébélés d’Afrique australe—, il a invité l’année suivante un révérend norvégien à s’y établir et fonder une mission. Puis, lors de la guerre anglo-zouloue de 1879, une colonne de quelque 7000 combattants britanniques issue de la colonie voisine du Natal se cantonne dans la mission, y construisant des remparts qu’on peut encore voir aujourd’hui, et la rebaptise Fort Eshowe. L’un des fronts principaux du conflit armé, les soldats anglais y résistent à un siège de 10 semaines. Après la guerre, gagnée par les forces coloniales, Eshowe devint la capitale du Zoulouland en 1887. D’ailleurs, le territoire du royaume des Zoulous, lui-même acquis à coups de conquêtes sanglantes sous le règne du roi Chaka, regorge de champs de batailles historiques aux issues décisives sur la formation de l’Afrique du sud contemporaine, qu’il s’agisse de la guerre anglo-zouloue de 1879 ou la seconde guerre des Boers ayant opposé de 1899 à 1903 les Britanniques aux Boers de l’État libre d’Orange et de la République du Transvaal, descendants des premiers colons d’origines néerlandaise, belge, allemande et française (Huguenots) débarqués au Cap au cours du 17ème siècle. Aujourd’hui, la petite ville prospère, flanquée à l’ouest de la réserve naturelle de la forêt de Dlinza et entourée de plantations de canne à sucre, pins et eucalyptus, dessert les communautés de l’arrière-pays avec de nombreux commerces, des écoles publiques et privées, un hôpital et une importante gare routière. Des averses débutent dès notre arrivée et nous nous réfugions dans une petite auberge familiale…pour deux nuitées!
Pas tout à fait rétabli de la fièvre africaine par morsure de tique, j’effectue un retour sur la route et pédale timidement dans les collines du cœur du pays zoulou. Une première journée vers Eshowe de 55 kilomètres et 1000 mètres de dénivelée positive teste mon aine et haleine. Pas fâché qu’il pleuve le lendemain et prendre congé avant de remonter en selle et reprendre le collier chez les Zoulous vers le gouffre du fleuve Tugela, plus important cours d’eau de la province, et les hauts plateaux nous séparant encore des fameuses Midlands et contreforts du Drakensberg. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Nous cassons la croûte en marge de la route P50, entre Eshowe et le fleuve Tugela. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
C’est vendredi et les classes se terminent en début d’après-midi. Plusieurs rencontres cocasses avec jeunes Zoulous et divertissantes zones de turbulence sur les routes P50 et P15 chemin faisant vers le fleuve Tugela. Afin de préserver l’intégrité et la propreté de leurs chaussures d’uniforme scolaire, les élèves qui habitent à flanc de colline dont la rondavelle familiale n’est accessible que par des sentiers, boueux en la saison, récupéraient et chaussaient à nouveau leurs bottes de caoutchouc cachées sous un buisson en bord de route. Astucieux les Zoulous! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
En délaissant le route P50, qui emprunte tout un enchaînement d’arêtes depuis Eshowe, et bifurquant sur la P15 nous effectuons un plongeon de 500 mètres vers le gouffre du fleuve Tugela. Négociant le passage du dernier plateau avant de dévaler dans le trou, nous pouvons apercevoir les impressionnantes parois de la rive droite du cours d’eau, dominées par la distinctive formation The Kop (pic ou sommet en afrikaner et anglais sud-africain), que nous devrons gravir pour atteindre les hauts plateaux des Midlands. Bien qu’on retrouve de nombreux villages zoulous de l’autre côté du Tugela, et ce, jusqu’au parc national uKhahlamba-Dragensberg, le fleuve marque la frontière sud-ouest du territoire traditionnel du royaume. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
En descendant de plateau en plateau vers le Tugela sur la route P15, nous remarquons un impressionnant complexe d’habitations à l’architecture traditionnelle et facture contemporaine. Nous croyions qu’il s’agissait d’un village culturel comme nous en avons vu ailleurs dans KwaZulu et dans le royaume voisin d’eSwatini mais lorsque nous arrivons à la hauteur de l’entrée principale, la présence de dispositifs de sécurité élaborés et officiers armés nous font plutôt réaliser qu’il est question d’un autre type d’établissement. Nous interrogeons un piéton qui nous répond : « C’est la demeure d’uBaba Zuma! » comme on appelle affectueusement Jacob Zuma ici, en Zoulouland, célèbre et controversé ex-président d’Afrique du sud. Papa Zuma, tiens, autre père de la nation zouloue avec le roi Chaka, fondateur de l’empire dans les années 1820 et personnage influent de l’histoire du peuplement des Ngoni, tribus bantoues, dans les actuels Afrique du sud, Zambie, Zimbabwe, Mozambique, Malawi et Tanzanie!
Nous poursuivons donc notre route, descente. Nous franchissons le Tugela et nous apprêtons à aller demander aux responsables de l’école tout prêt du pont, que nous avions déjà repérée durant nos recherches de navigation, si nous pourrions y camper en ce vendredi soir. Au moment où nous nous apprêtons à sortir de la route, un pick-up (backkie en anglais sud-africain) circulant en direction inverse s’immobilise devant nous et son seul occupant en sort : « Où pensez-vous aller comme ça? » lance-t-il. « Vers le Cap, le bout de ce continent, puis le remonter de l’autre côté vers la Namibie, le Botswana, l’Angola… » répondons-nous. « Mais vous êtes fous! Ça me plaît! Venez chez moi pour la nuit, j’habite une quinzaine de kilomètres plus loin de l’autre côté de la rivière. Je promets de vous reconduire ici demain matin » nous propose-t-il. Il veut nous installer dans l’une des rondavelles de son p’tit domaine clôturé et dresse la liste de tous les avantages que comporte son offre : cuisine toute équipée, télévision satellite, puits artésien, douche et toilette rustiques… En fait, il s’agit de rebrousser chemin sur le trajet que nous venons de pédaler. Nous soupesons le tout rapidement, acceptons l’invitation puis chargeons l’arrière du véhicule avec tout notre attirail et montons dans la cabine. Il nous présente alors ses papiers d’identité qu’il nous invite à photographier, histoire de nous rassurer, puis nous informe qu’il se nomme Mehlo ( « oeil » en zoulou), qu’il est infirmier à l’hôpital d’Eshowe et qu’il œuvre à son compte durant ses congés dans le transport routier tous acabits—il revenait justement d’une livraison de meubles dans les Midlands. En remontant les plateaux, il nous demande si nous aimerions rencontrer uBaba Zuma. Quelle drôle d’idée pensons-nous, pourquoi aller importuner quelqu’un en tant que pur étranger? « J’appelle pour savoir s’il est à la maison » enchaîne-t-il. Nous réalisons qu’il parle à sa mère puis, après un bref échange en zoulou, il refile le téléphone à Janick pour qu’elle lui parle. Peut-être voulait-elle vérifier l’histoire abracadabrante de son fils ramenant à la maison des cyclistes canadiens! Pendant ce temps, Mehlo m’annonce que Zuma se prépare à quitter sa forteresse et pourrait nous recevoir quelques minutes… « C’est mon grand-père! » ajoute-t-il avec fierté! Accueillis à la guérite par un officier de la police militaire qui reconnaît le petit-fils de son patron, qui lui remet son revolver dissimulé dans un étui fixé sous le volant de son bakkie, nous allons nous garer tout près des 3 berlines blindées de son escorte personnelle et officielle—Jacob Zuma a fondé son propre parti, l’uMkhonto we Sizwe (MK) alias « Lance de la Nation », suite à sa destitution puis querelle avec l’état-major de l’Africa National Congress (ANC), parti pour lequel il a milité pendant des décennies, et a été élu lors des élections de juin dernier jouant un rôle prépondérant voire influent dans l’actuel gouvernement de coalition…au grand dam de ses nombreux détracteurs et ennemis politiques! Nous saluons les gardes du corps tout comme les membres de la famille de Mehlo ainsi que d’autres courtisanes et courtisans du palais de ce souverain zoulou post-moderne puis prenons siège devant la porte de la résidence d’uBaba Zuma attendant qu’il en sorte pour une jasette et séance photos…incroyable et surréaliste!
« Moi aussi, dans ma jeunesse, je faisais du vélo! » Rencontre dans son repaire de Nkandla de l’ex-président de la république d’Afrique du sud (2009-2018), actuel membre élu du parlement et chef du nouveau parti uMkhonto we Sizwe (MK) alias « Lance de la Nation », Jacob Gedleyihlekisa Zuma. Son deuxième prénom zoulou signifie « celui qui rit en vous faisant du mal »… Le controversé politicien autodidacte de 82 ans, figure marquante de la lutte anti-apartheid, a purgé une peine de 10 ans (1963-1973) à Robben Island en tant que prisonnier politique aux côtés de Nelson Mandela et Goran Mbuki. Ce sont eux qui se seraient chargés de son éducation. « Zuma représente plusieurs choses différentes pour plusieurs personnes différentes mais d’abord et avant tout Zuma est un Zoulou. Il s’identifie avec la nation zouloue, la tradition zouloue et le patrimoine zoulou » dépeint l’homme d’État polygame le fondateur et rédacteur-en-chef de WhyAfrica, Leon Louw. S’il y a un point sur lequel les analystes et biographes de Zuma semblent s’entendre, et nous l’avons constaté en quelques minutes, c’est au sujet du charisme irrésistible et du sens de l’humour aigu qui émanent de l’enfant prodigue et chouchou des Zoulous! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Le sympathique Mehlo, l’un des dizaines de petits-enfants de Zuma, nous remet à la route avec son bakkie et quelques-uns de ses propres courtisans, sympathiques itou! Afin de lui sauver du carburant et pour profiter de la seule descente de la journée, nous avons demandé à être déposés à l’étage du dernier plateau surplombant le gouffre du fleuve Tugela. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Scène 1, prise 2! À quelques mètres de l’endroit où Mehlo nous a cueillis la veille sur la P15 et rive droite du Tugela que franchit un modeste pont simple trace. C’est la conductrice du VUS blanc derrière Janick qui a causé le bouchon de circulation en l’interviewant de l’autre côté du pont tandis que je me positionnais pour la photographier. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Ascension ridiculement abrupte par un samedi torride et orageux hors du gouffre du fleuve Tugela vers le bourg de Kranskop, niché quelque 1000 mètres plus haut sur le plateau oriental des Midlands. Autre test pour mon aine et haleine de « tiqué »! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Le printemps de l’hémisphère sud amène des pluies bienfaitrices à l’est du Grand Escarpement et la région semble bien arrosée ces temps-ci. Après avoir fait le plein au supermarché de Kranskop, nous nous dirigeons en fin de journée sous un ciel menaçant vers un camping quelques kilomètres à l’ouest sur la R74, notre chemin vers Greytown et le cœur des Midlands. Sortis de la route et en train de rouler sur la piste qui relie fermes et plantations conduisant au lac où se trouve le camping, nous tombons sur Louie, un éleveur d’antilopes et sangliers, qui s’enquiert quant à notre destination. « Ce camping? Je ne crois pas que vous veuillez y aller, ce n’est pas un endroit recommandable » nous prévient-il visiblement inquiet et préoccupé. « Revenez vers notre ferme. Nous louons des chalets et il me ferait plaisir de vous en prêter un pour la nuit. C’est gratuit! On prévoit des orages ce soir en plus » nous invite-t-il. Nous rebroussons chemin sur quelques centaines de mètres et le suivons jusqu’à l’entrée de la ferme gardée par 3 barrières sécurisées. Quand nous lui demandons d’élaborer sur les risques qu’aurait posés notre escale au terrain de camping, il nous explique que depuis que les autorités tribales zouloues ont repris le centre de villégiature il y a une vingtaine d’années, tout est négligé et en train de s’écrouler. Même que des individus louches le fréquenteraient…nous comprenons surtout que les tensions entre propriétaires terriens blancs et communautés zouloues sont vives dans le secteur avec les revendications territoriales de ceux-ci menaçant les acquis et intérêts de ceux-là! Néanmoins une nuit paisible…et sécuritaire dans le chalet de la ferme Welverdient!
Greytown ne se trouve qu’à 35 kilomètres de la ferme Welverdient, où nous avons été invités à passer la nuit, et nous nous y mettons un terme à l’itinéraire de la journée. Un système dépressionnaire se pointe depuis l’océan Indien et s’installe pour une couple de jours sur la région. Nous ne reprendrons la route que le surlendemain…on dirait que la météo collabore à notre plan de remise en forme! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Véritable institution zouloue et inspiration de la culture braai (BBQ) sud-africaine, un shisa nyama (littéralement viande brûlée en zoulou) est un établissement qui sert des grillades bien grasses agrémentées de chakalaka, cette relish de tomates épicées, carottes et haricots, bière et, la plupart du temps, pap, cette purée de farine de maïs. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Notre commande pour deux au shisa nyama de Greytown, lunch parfait pour congé dans la grisaille saisonnière! Les Sud-africains se plaisent à dire que les shisa nyama sont les seuls endroits où tout le monde est égal…dans une ambiance de fumée, arômes de gras et décibels tonitruants! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Ennuis d’ordre pneumatique routiniers qui semblent participer à un rituel d’une espèce d’hygiène routière en marge de la R74, à la sortie de Greytown. L’occasion d’inspecter mécanismes autour de la roue dégonflée! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Après un passage à plus de 1600 mètres sur les cimes plantées de pins et eucalyptus à l’ouest de Greytown, nous dévalons vers le plateau abritant le réservoir Craigie Burn. À mi-chemin entre Greytown et Mooi River, terminus septentrional des fameuses Midlands, nous y sortons de la route R74 pour mettre le cap sur le sud et la vallée de Karkloof, l’une des ramifications du circuit touristique Méandres des Midlands. Piste et ambiance sublimes! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Bien que la R74 soit une route altière et peu achalandée, agréable à pédaler, nous engager sur la la garnotte de la P141 nous élève et enveloppe comme un baume. Nous nous hissons tranquillement hors des versants chlorophylliens broutés par le cheptel zoulou vers un plateau boisé de plus de 1500 mètres d’altitude duquel nous plongeons vers le val de Karkloof, intégrant par le fait même les Méandres des Midlands. J’éprouve enfin de bonnes sensations à pédaler et me considère guéri de cette infection de tique…enfn! Nous allons camper au Bushwillow Caravan Park, camping occupant le recoin d’une grande ferme tapie au pied du mont Gilboa (1772 mètres) et sa forêt subtropicale protégée. Graham, représentant de la 3ème génération de la famille propriétaire du domaine, nous accueille. Nous prenons plaisir à converser et quand nous lui présentons les grandes lignes de notre itinéraire vers le Drakensberg qui comporte une escale au site de capture de Nelson Mandela et son réputé musée de l’apartheid, l’une des nombreuses attractions des Méandres des Midlands, il nous lance cette citation et cette réflexion : « On dit que l’histoire est écrite par les vainqueurs. Mandela a longtemps été considéré comme un criminel. Or depuis la fin de l’apartheid, il est devenu un héros ». N’allez pas reporter à Bono ou Céline! À n’en pas douter, depuis l’arrivée des premiers Européens au Cap, l’Afrique du sud en tant que pays est un projet social, économique et politique des plus ambitieux…
Bel exemple de peuplement rural zoulou sur le plateau abritant le réservoir Craigie Burn. Emblématique aussi de la façon zouloue, le séchage de la lessive sur les barbelés des clôtures. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Matin achalandé au Bushwillow avec la visite du futur acquéreur du domaine, Jan, qui venait de vendre sa ferme à Kranskop, voisine de Welverdient—« Je vous ai vus passer devant la maison, nous hébergeons des ânes abandonnés que nous déménagerons ici…le monde est petit! »—et deux cyclistes vêtus de lycra venus s’assurer en voiture que le Bushwillo serait approprié pour camper durant leur première aventure de 2 jours à vélo…imaginez leur surprise de tomber sur deux vieux loups de route! Un long interrogatoire, pendant lequel nous avons tenté de désamorcer leurs craintes et appréhensions, s’ensuivit! Le retraité blanc et policier « coloured », expression désignant dans les pays d’Afrique australe une personne métisse, habitent Pietermaritzburg, capitale de la province de KwaZula-Natal et terminus méridional des Méandres des Midlands. Ils nous dressent le profil vélocipédique de la région avec ses sentiers simple trace réputés, ses événements relevés et bonnes adresses. Ça tombe bien car nous avons besoin de passer chez le vélociste pour mise au point mécanique. C’est ainsi que nous mettons le cap sur Hilton, entre Petermaritzburg et Howick, pour bénéficier des bons soins des experts de Callan’s Bike Tech. Comme l’opération requiert que nous y passions la nuit, nous faisons appel à Rebecca et Jean-Paul, couple vedette du réseau Warmshower sud-africain qui habite à 15 minutes de voiture de Callan’s, en banlieue nord de Pietermaritzburg. L’escale éclair foudroie et la passion du couple pour le cyclisme et l’aventure électrise! Nous profitons de leur profondes connaissances des routes et pistes du Lesotho et de l’Afrique du sud pour esquisser un itinéraire tout en cols et autres délices routiers jusqu’au Cap des Aiguilles et au-delà…merci!
La chute d’Howick, saut de près de 100 mètres qu’effectue la rivière Umgeni dans la petite ville d’Howick, figure haut sur la liste des attractions touristiques des Méandres des Midlands. Selon une légende zouloue, son bassin abriterait un serpent géant aux pouvoirs magiques, l’Inkanyamba. L’homme-volant Jeff Corbiss y a presque perdu la vie dans un saut en parachute depuis le sommet de la chute en 1999. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
De retour à Howick, nous poursuivons au nord dans les Midlands sur la route R103, parcourant les mêmes derniers kilomètres du trajet qu’a fait Nelson Mandela, déguisé en chauffeur de son ami blanc, l’activiste et dramaturge Cecil Williams, avant qu’on lui passe les menottes en 1962 et l’incarcère pendant 27 années. Tout près de l’endroit de sa capture, il a lui-même inauguré en 1996 le musée anti-apartheid. Nous y faisons escale et lisons chaque mot du captivant récit de ce chapitre sombre de l’histoire du pays. La fin du jour approche quand nous en ressortons et pendant que nous tentons d’élaborer un plan pour la nuit, un pick-up se gare de l’autre côté de la route sur l’accotement pour s’enquérir de ce plan, justement : « Nous ne savons pas. Nous avons encore 90 minutes à rouler avant le coucher du soleil et devrions bien pouvoir trouver un endroit où camper » répondons-nous. « Ah, je vois! Je suis superviseur d’une compagnie de sécurité qui dessert toute la région. Laissez-moi appeler un de mes clients, peut-être pourrons-nous vous aider » nous annonce-t-il. « Ça y est, pas de problème! Continuez et je vous attends là-haut, une couple de kilomètres plus loin, à l’entrée du complexe commercial à ciel ouvert Piggly Wiggly. Je vous présenterai notre gardien de sécurité avec qui vous pourrez convenir d’un endroit pour camper. La plupart des commerces sont déjà fermés mais il y a un pub et pizzéria qui demeurent ouverts jusqu’à 20h00…si jamais ça vous intéresse! » Wow! Spectaculaire! L’hospitalité sud-africaine commence à se démarquer…
Au site de capture de Nelson Mandela et musée de l’apartheid, les passagers d’une croisière Cape Town-Singapour, en escale au port de Durban, font leurs dévotions devant l’impressionnante installation de poutres métalliques représentant le portrait du célèbre activiste, ex-président et…autre « Père de la Nation ». Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Bivouac à la fois pragmatique, esthétique et original devant une galerie de verre taillé et vitraux, l’une des nombreuses boutiques du centre commercial champêtre à ciel ouvert comme seuls les Midlands, cet archipel de collines vertes subtropicales aux accents anglais, savent en créer! Pizza sur feu de bois et bière de micro (craft beer) la veille; déjeuner de fermier gargantuesque et espresso fraîchement torréfié le lendemain matin! Toilettes immaculées ouvertes 24h/24h! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Le circuit touristique Méandres des Midlands porte bien son nom, ses artères franchissant allègrement l’autoroute N3 et ses ramifications s’immisçant parmi vallées isolées. Nous y pédalons donc en toute sinuosité! Ici, nous sommes en train de passer de la R103 à la route de Curry’s Post sur une piste en montagnes russes qui nous installe dans une campagne idyllique et épicurienne : microbrasseries, fromageries, maisons de torréfaction, confiseries, boucheries/charcuteries et leurs biltongs (lanières de viande marinées et séchées), fermes, fabriques de chaussures de cuir… Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
À Rosetta, nous quittons la R103 et remontons la rivière Mooi vers sa source dans la vallée de Kamberg, juste au pied de l’édifiant Drakensberg. Nous vivons un autre moment charnière de ce segment quand nous passons ainsi des Midlands aux contreforts des « montagnes du Dragon ». Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Les plateaux ceinturant le Grand Escarpement dans le secteur du parc national uKhahlamba-Drakensberg nourrissent les plus prolifiques fermes laitières du pays…et peut-être même du continent! La proximité du château d’eau d’Afrique australe, cette formidable constellation de sommets dépassant les 3000 mètres et les rivières qui en jaillissent, garantit la qualité de la luzerne et du trèfle. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Parvenus à l’entrée de la vallée de Kamberg, aux pieds du Drakensberg, après une longue remontée de la rivière Mooi qui prend sa source ici…et l’orage de fin de journée, nous sommes invités à nous installer dans l’un des cottages de la ferme laitière Kamberg et s’en servir comme camp de base pour notre excursion au site de peintures rupestres San de la grotte de Game Pass, dans la réserve naturelle de Kamberg. Nous y passons deux nuits finalement. Quelle générosité de Carmen et Brett, les proprios, qui nous ont également rempli les sacoches de salami et biltongs de leur ferme: « J’ai appris d’un saucissier allemand » se félicite Brett!
Les San et Khoï, ceux-ci pastoralistes depuis l’arrivée des Bantous avec leur bétail il y a quelque 2000 ans et ceux-là chasseurs-cueilleurs depuis des temps immémoriaux, occupaient l’entièreté de l’Afrique australe—et peut-être même des territoires plus au nord selon certains anthropologues—des millénaires avant l’arrivée des Ngoni et autres Bantous venus du nord-ouest tout comme, bien sûr, les Européens. S’ils se sont adaptés à la présence des Bantous avec mariages et alliances, ils n’auront survécu dans la région à la campagne d’extermination à laquelle se sont adonnés les Boers suite à des vols de bétail commis par les San. Ces campagnes reproduites ailleurs autour du massif du Drakensberg ont fait en sorte que les derniers San se retrouvent aujourd’hui dans l’un des endroits les plus inhospitaliers du continent…et du globe : le désert du Kalahari! Nous aurons rendez-vous avec les San, qu’on appelle aussi Bochimans (Bushmen), dans quelques mois…enfin des nomades!
Nos bagages laissés à notre camp de base de Riverside Cottages, nous roulons vers le Kamberg Rock Art Centre. Quartiers généraux de la réserve naturelle de Kamberg, c’est là que nous nous acquitterons des frais de droits d’accès et de services d’un guide…et laisserons nos Boréal pour entreprendre la marche de près de 4 bornes vers la grotte de Game Pass! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Conditions parfaites pour une randonnée dans la vallée! La grotte de Game Pass se trouve sous les corniches de roc, en-haut à droite. Les San fréquentaient le secteur qui abonde d’élands, ces antilopes format géant—les élands font plus de 800 kilogrammes…—auxquelles les chasseurs-cueilleurs prêtent des pouvoirs surnaturels. Des anthropologues prétendent que c’est la teneur en gras de cet animal qui impressionne le plus les San. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Des oeuvres qui valent le détour…l’aller-retour! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Pétroglyphes aux pigments vifs et multicolores, ils n’auraient que quelques centaines d’années d’existence. Les peintures rupestres du site de la grotte de Game Pass, grâce à leur clarté, ont permis aux scientifiques d’obtenir des clés pour interpréter les autres fresques sur roc des San qui abondent dans le Drakensberg et ailleurs en Afrique australe…de la même manière que la stèle de Rosetta a permis aux égyptologues de déchiffrer les hiéroglyphes! Ici, on peut observer des élands, ces entités sacrées pour les San, et des chamans en trance. C’est d’ailleurs durant de tels rituels, danses en trance, que les chamans eux-mêmes auraient produit ces œuvres créant des liens tangibles entre le monde ici-bas et celui des esprits et êtres surnaturels… Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Nos hôtes de Kamberg, Carmen et Brett, nous remettent à la route non sans avoir alourdi nos sacoches d’un bâton de salami de 1 kilogramme et sac de biltong artisanal qui en pèse autant…miam! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Nous poursuivons sur les contreforts du Drakensberg direction sud vers Himeville et le fameux col Sani sur les routes de Mpofana puis Lower Lotheni. Ici, en compagnie de quelques-unes des 700 holsteins de Carmen et Brett. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Ça tournicote, monte et descend sur les contreforts du Drakensberg. Plusieurs arêtes en descendent et gardent les vallées de cette multitude de cours d’eau nourriciers qui, de ce côté, dévalent vers l’océan Indien. Ici, sur la route Lower Lotheni, nous nous apprêtons à franchir la rivière Nzinga pour nous hisser vers le sommet de la route à plus de 1800 mètres d’altitude. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Au sommet de la route Lower Lotheni entre les vallées des rivières Nzinga et Lotheni, l’édifiant Drakensberg dans toute sa splendeur! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Dans la vallée de la rivière Mkomazi, la mission et village zoulou de Stepmore. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
L’ascension du fameux—et infâme—col Sani (2876 mètres) débute au Manoir Moorcroft où nous avons été invités pour une nuitée, souper et déjeuner par Mario, ingénieur suisse retraité et philanthrope. Le proprio nous racontait durant l’apéro qu’il avait hébergé Claude Marthaler durant son tour du monde il y a une vingtaine d’années et un journaliste cyclophile du journal Le Monde qui montait et descendait les plus hauts cols de montagne du globe…Mario aime les cyclistes! Se faire dorloter—encore une fois!—tombait à point puisque la suite n’a pas été de tout repos! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Nous rencontrons Craig Mackrory alias Berg Bikepacker durant notre ascension vers le poste frontalier sud-africain sous la surveillance solennelle de la formation des 12 Apôtres—il y en a 12 autres autour de Cape Town! Le gentleman nous a tenu compagnie en pédalant et jasant pendant plus d’une heure tel un viel ami. Craig habite Himeville et adore ramener des voyageurs à vélo à la maison qu’il rencontre durant ses entraînements sur le segment de route impeccable réalisé par une firme italienne et qui s’étire jusqu’au poste de contrôle des douanes et immigration sud-africain sis à 1950 mètres au-dessus de l’océan Indien. Il nous a demandé de promouvoir son offre, voilà : craig@bergbikepacker. Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Des Lesothiens retournent au bercail avec de bons chargements de denrées et marchandises. Faut le faire, ça va se corser plus haut! Les plus impressionnants usagers du col sont les conducteurs de minibus 2 roues motrices bondés qui y effectuent 2 allers-retours par jour! Toute notre admiration! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Geste de solidarité fort apprécié de ce couple de Johannesbourg qui achevait de descendre la partie la plus accidentée, abrupte et technique du col alors que nous commençions à la gravir! Thanks a bunch! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Des pans se pédalent encore et je souque ferme devant quelques Apôtres… Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
La pluie et le vent s’amènent tandis que la surface de la piste se détériore jusqu’à devenir un ruisseau et que la pente s’accentue. Nous avons parcouru la majorité des 3 derniers kilomètres à pousser nos vélos, souvent même à unir nos efforts pour une bécane…le col Sani se laisse désirer et gagner! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
Exténués par les efforts « sisyphiens » de la veille, nous nous sommes arrêtés à moins de 1 kilomètre du sommet et de son auberge/pub dans la courbe la plus ample et « plane » des derniers lacets du col. Pour parcourir ces 900 mètres, tellement abrupte la pente et pourrie la surface, nous avons mis 90 minutes à pousser les vélos un par un…pas fini tant que ce n’est pas fini! Province de KwaZulu-Natal, République d’Afrique du sud.
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