Notre propre nomadisme, ces errances et déplacements en tant que pédaleurs-cueilleurs, assujetti depuis notre atterrissage en sol norvégien par les édits des bureaucrates de l’espace Schengen, a pris la forme d’une débandade, déroute…un sauve-qui-peut à l’approche de la date d’expiration de notre permis de séjour parmi ces 26 pays! Pour en sortir dans les 90 jours qu’on nous a infligés—et puisque nous avions décidé de nous conformer à cette exigence par crainte des conséquences à moyen terme que pourrait entraîner son non-respect, telles des estampes dans nos passeports avertissant les prochains pays à visiter que nous pratiquons la « désobéissance nomade », par exemple…—, optant pour la qualité au lieu de la quantité en nous concentrant sur l’assouvissement de notre fantasme de bourlingueurs à vélo sur la côte de la Norvège et le ratissage de Sápmi (Laponie), notre plan consistait à relier Oulu, en Finlande, et Varsovie, en Pologne, à quelque 300 bornes de la frontière avec l’Ukraine…en train, bateau et autobus! Il s’agit de notre plan B et d’un « bond » sur la mappemonde de 1500 kilomètres! Dégringolade, bousculade et escamotage!
Le sprint débute avec un train de nuit d’Oulu à Helsinki où nous avons effectué un aller-retour à travers son parc central, immense corridor boisé strié de pistes cyclables, pour rencontrer la gang de Suunto, à Vaanta, près de l’aéroport de la capitale finlandaise. On a bien sympathisé puis nous a confié deux montres Ambit3 Peak qui prendront désormais le contrôle de nos tableaux de bord avec toutes les fonctions cyclométriques, altimètre et gps. Nous avons créé un compte sur Movescount.com où on pourra visionner avec grande précision nos parcours quotidiens…en commençant avec nos ultimes coups de pédale dans l’espace Schengen!
Revenons au centre d’Helsinki à temps pour nous embarquer sur un catamaran express vers Tallinn, capitale de l’Estonie, de l’autre côté de la mer Baltique. Nous sortons de la petite gare maritime en pleine obscurité, la lune éclairant juste assez pour repérer et éviter les nids de poule, nous rendre compte que les parages sont en friche et que nous contournons des vestiges de fortifications datant de l’époque soviétique. Traversons le centre-ville qui a fière allure jusqu’à la gare d’autobus internationale. À peine 10 minutes suivant notre arrivée, nous sommes embarqués avec toute notre caravane à bord d’un bus de nuit en destination de Vilnius, capitale de la Lituanie. Le chauffeur russe et son assistant, qui sont partis en retard pour nous permettre de monter à bord, nous font crédit jusqu’à destination! Assurément, nous aurions fait de belles rencontres, magnifiques découvertes et éprouvé beaucoup de plaisir à pédaler en Estonie et ses voisines, les Lettonie et Lituanie…autre partie remise pour une autre vie ou celle-ci!
Courbaturés, dépaysés et les yeux cernés, effectuons une escale de zombies dans Vilnius. La vieille ville est un bijou d’architecture baroque, bien dynamisée par un tourbillon d’universitaires radieux et acteurs d’une nouvelle génération d’entrepreneurs. Nous y errons toute la journée et soirée avant de retourner autour des stations de train et autobus, balade sur le macadam d’une couple de bornes qui nous téléporte dans l’ère soviétique. Le chauffeur, un autre Russe qui arbore moustaches et favoris dignes d’un Goth d’Astérix, peine à croire qu’on nous a vendu des billets pour transporter les vélos…quelques plaisanteries en russe maladroit et le voilà de notre bord puis partons pour la Pologne!
Varsovie, qui a enfanté Copernic, Chopin et Marie Curie, nous impressionne par son ampleur et son redressement spectaculaire. Malgré tous les mauvais traitements des dernières décennies, elle bourdonne et éblouit! Nous nous installons au convivial et “vélophile” Hostel Helvetica, à côté de l’université de Varsovie et de la vieille ville, pour nous remettre de ce brasse-camarade motorisé et rédiger/publier en différé le dernier billet. Décidons de prendre le train jusqu’à Krasnik, plus près de la frontière avec l’Ukraine, histoire de prolonger notre séjour à Varsovie d’une journée…tant qu’à y être! Parcourons ainsi la campagne du plateau de Lublin dont les paysans sont affairés à la récolte des patates et framboises…miam!
Avec un retard de 3 jours, tout de même, les officiers polonais se laissent distraire par l’ampleur de notre entreprise et nous estampent en nous encourageant. Du côté ukrainien, les différents agents affectés aux différentes étapes du processus en collimateur qu’est l’entrée dans leur pays finissent tous par nous sourire et souhaiter bon voyage. Soupirons d’aise! Ça y est, un train de nuit, un bateau, deux autobus de nuit et un train d’après-midi depuis le nord de la Finlande, nous voici en Ukraine, hors de l’espace Schengen, en route vers les Carpates : la voie est libre!
Dommage que vous ne soyez pas resté un peu plus longtemps dans ces superbes pays baltes et que vous n’ayez pas eu la possibilité de voir Kernave…
Ce sera pour une autre fois, en ma compagnie j’espère!
Bonne route!
Jean-Loup