Nos pérégrinations parmi les formidables montagnes du Cap, d’un col à l’autre et de cap en cap, se sont poursuivies pour notre plus grand plaisir : slalom géant à l’extrémité d’un continent! De Prince-Albert, aux confins méridionales du Grand Karoo, jusqu’à Table Bay et la mégalopole du Cap, un segment de plus de 1000 kilomètres, nous avons multiplié les passages altiers, ces cols de montagne garants de microcosmes diversifiés, évoluant tantôt sur le littoral ou dans le Petit Karoo, et même atteint le cap des Aiguilles, bout le plus au sud de l’Afrique et, ainsi, l’un des nombreux objectifs visés par cette odyssée vélocipédique. Comme si notre itinéraire à l’extrémité du continent n’était pas assez tortueux, notre penchant épicurien nous aura dicté un détour ou deux de plus, quoique tous ponctués de cols de montagne, pour aller déguster quelques crus d’exception parmi les vignobles sud-africains figurant sur notre liste. C’est dire que nous avons l’étrange impression d’avoir effectué des déplacements à vélo hertziens aux fréquences de plus en plus courtes à mesure que nous nous approchions du Cap…étrange slalom en effet et, surtout, excellentes ondes!

Après un séjour envoûtant et captivant à Prince-Albert, cette oasis irriguée par les cours d’eau provenant des monts Swart et baignée par le soleil du Karoo, nous avons entrepris l’ascension du col Swartberg (1583 mètres), l’un des plus spectaculaires d’Afrique du sud voire du continent, monument national sud-africain et l’objet d’un fantasme de routard qui nous a fait saliver pendant des lunes! La piste de montagne en gravier et inaugurée en 1888 nous a épatés! Du nord au sud, on intègre d’abord les palissades plissées et effilées de grès écarlate en remontant la rivière Dorps puis la piste s’accroche aux parois vertigineuses sur une pente constante (1:8) s’étirant sur quelques bornes. Débute alors une série de lacets jusqu’à un plateau aux abords des 1400 mètres, « Ou Tol », là où une piste cul-de-sac file à l’ouest vers la fameuse vallée de la rivière Gamka, cluse marquant la frontière naturelle entre les Groot et Klein Swartberg et qu’on appelle communément « Die Hel »…ou l’enfer! S’ensuit une autre série de lacets jusqu’au sommet (« Die Top ») puis la longue descente côté sud vers la rivière Grobbelaars, les grottes Cango, le Schoemanspoort et la ville d’Oudtshoorn, plus important centre agricole du Petit Karoo.

Nos chaleureux hôtes de l’auberge historique de Prince-Albert Onse Rus, Leonard et Neil, nous remettent à la Route. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Prince-Albert abrite depuis des décennies une dynamique communauté d’artistes qui s’y sentent inspirés et en harmonie avec la nature grandiose qui l’entoure. Dans une initiative née des célébrations du 250ème anniversaire de cette oasis du Grand Karoo et qui continue aujourd’hui, on peint ses poubelles de scènes évoquant chapitres de l’histoire du village, enjeux environnementaux chers à sa population et même messages faisant la promotion des services de la SPA locale…on les transforme en œuvre d’art! Sur celle-ci, on rend hommage au célèbre padmaker (constructeur de routes) du 19ème siècle et maître-d’oeuvre de 29 cols de montagne dont le Swartberg, Thomas Bain. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Négociant la première série de lacets du col Swartberg, en route vers le plateau « Ou Tol » et « Die Top ». Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Sur le plateau « Ou Tol », intersection avec la piste cul-de-sac vers la cluse de Gamkaskloof alias « Die Hel ». Notez le temps du périple en véhicule motorisé prescrit pour le segment de 37 kilomètres, une succession de quelques cols conduisant à un sommet ultime d’où commence la descente en zigzags d’un « mur » de près de 600 mètres de hauteur! Une vingtaine de familles d’agriculteurs Boers y ont coulé des jours paisibles en isolement quasi total jusqu’à la construction de la route en 1960. L’exode rural y a aussi sévi et qu’une poignée d’individus y vivent à l’année aujourd’hui. Un spot plutôt paradisiaque, seulement une petite vallée adjacente était appelée « enfer » mais comme ce nom a la cote, le public non-initié, à commencer par les membres de la presse, s’est plu à appliquer le terme eschatologique cher à la majorité des dogmes et religions à l’ensemble de la vallée. Nous continuons vers le « ciel », jusqu’au sommet du col Swartberg… Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Descente côté sud du col vers le Petit Karoo. Des orages se sont pointés dès notre arrivée au sommet et déferlaient en vagues dans la vallé de la rivière Grobbelaars. Les murailles de soutènement en pierres érigées sans ciment ni mortier par les ouvriers-prisonniers de Thomas Bain, dont une section de 2,4 kilomètres de longueur et une autre dépassant les 13 mètres de hauteur, toutes deux sur le versant sud du col, résistent aux intempéries depuis près de 150 ans! Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Grange à tabac à l’orée de la ville d’Oudtshoorn, premier moteur économique du Klein Karoo et capitale mondiale de l’élevage d’autruches. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

La culture du tabac en Afrique australe a débuté à Oudtshoorn et remonterait à au moins 1845. Parmi toutes les vertus qu’on lui prêtait, le tabac était prisé des Voortrekkers durant leurs migrations exploratrices en charrettes toujours plus loin du Cap, chiqué ou fumé à la pipe. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Au terme de la descente du col Swartberg, sur une arête de près de 900 mètres d’altitude marquant la ligne de partage entre les bassins des rivières Grobbelaars et Matjie, nous faisons escale au complexe touristique Kobus se Gat où on nous laisse camper en échange de forfaits pour le braai du soir—un groupe de touristes en autocar y étaient attablés—et ça fait notre affaire! On y offre aussi la descente à vélo du col Swartberg que nous venions juste de dévaler et avions justement croisé le bus qui grimpait vers « Die Top » : un seul brave en est redescendu en pédalant! Nous poursuivons dans la vallée de la Grobbelaars jusqu’à Outdshoorn via le Schoemanspoort, étroit et sinueux passage que s’est taillé la rivière dans l’un des chaînons des contreforts méridionaux des monts Swart. Les fermes d’élevage d’autruches sont omniprésentes. Pas étonnant puisque Oudtshoorn en est considérée la capitale mondiale. On recense plus de 200 000 de ces drôles de grands oiseaux répartis dans 500 fermes de la municipalité. Ayant la cote dans les industries de la mode et du spectacle en Occident au début du 20ème siècle, les plumes d’autruche valaient leur pesant d’or et Oudtshoorn regorge de ces « palais des plumes », somptueuses villas d’inspiration victorienne rivalisant de tourelles et vérandas ornées. Cette ère de prospérité s’est achevée avec l’avènement de la Première Guerre mondiale!

Nous quittons Oudtshoorn sur une ancienne voie de pénétration et mettons le cap vers le sud, les monts Outeniqua, la côte et la ville de George…

Sur cette sympathique piste et ancienne route reliant Oudstshoorn à George via le col Montagu (739 mètres), nous filons vers le Paardepoort, petite gorge étroite et bien ventilée de la rivière Doring, et les monts Outeniqua dont on aperçoit la silhouette du pic Cradock (1578 mètres), point culminant de la chaîne. Nous remonterons la rivière Doring jusqu’au sommet du col Montagu. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud

Après une escale épicurienne dans un vignoble, le Herold Wines, où nous avons trinqué et été invités à camper, nous entreprenons les derniers kilomètres de l’ascension du col Montagu. La route est fermée depuis les fortes pluies de septembre 2023, les dommages importants causés au passage de montagne historique et monument national se trouvant du côté océan Indien, et nous avons la conviction de pouvoir passer et y descendre… Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Nous amorçons la descente du col Montagu, le fynbos en pleine éclosion, et réintégrons ainsi la Route du Jardin! On peut apercevoir de l’autre côté de la vertigineuse vallée de la rivière Klip le tracé du col Outeniqua (800 mètres), partie intégrante du lien routier moderne reliant les villes d’Oudtshoorn et George, la route nationale 9. Le col a été inauguré en 1951 et mis à niveau en 1997. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Prêt à éclore, un bulbe de protéa, la fleur aux milles visages et emblème de l’Afrique du sud, nous épiait depuis son perchoir dans les monts Outeniqua. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Deux sections d’une centaine de mètres nous ont forcés à démonter et pousser—plutôt retenir…—nos bécanes à la descente du col Montagu, fermé à la circulation depuis septembre 2023 suite à des pluies diluviennes. Plusieurs autres segments étaient ravagés par l’intense ruissellement mais un sentier simple trace, improvisé par cyclistes et motocyclistes locaux, se faufile parmi les crevasses et pierriers. Un passage altier et vertigineux pour nous deux! Nous avons croisé une équipe d’arpenteurs qui effectuaient des relevés en vue des futures réparations. Comme il s’agit d’un monument national, on s’efforcera de préserver son cachet rustique avec surface graveleuse et murs de soutènement en pierres. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Un col historique—et magnifique—disions-nous! Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Mission accomplie au col Montagu! En basculant ainsi du Petit Karoo au littoral de l’océan Indien, nous évoluons dans un autre climat, plus frais et humide. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Nous avons deux rendez-vous à George : le premier dans un bureau de courtier d’assurances pour y récupérer notre bouquin sur les cols de montagne du Cap que nous avons oublié chez Colleen et Peter, nos amis de Knysna, et le second dans l’entrepôt du tout nouveau partenaire de cette odyssée vélocipédique, l’entreprise sud-africaine Squirt Cycling Products. C’est l’inventeur d’un lubrifiant à chaîne, scellant pour tubes/pneus et liquide dégraisseur ultra-performants et…biodégradables! Notre itinéraire passe donc par le quartier industriel de George, instructive diversion en soi, où nous mettons la main sur une fiole de lubrifiant, des bandeaux qui absorbent la sueur et des chapeaux pare-soleil. Le reste sera expédié au quartier général de notre partenaire sud-africain de longue date, Leatt Protectives, en périphérie du Cap, où nous attend déjà un colis bourré de pièces de rechange que nous nous sommes expédiés à nous-mêmes dès notre entrée dans le pays, en octobre dernier…il faisait bien une dizaine de kilos!

Nous poursuivons vers le sud-ouest le long du littoral sur la Route du Jardin et la 102. Nous franchissons les rivières Braak, la Grande d’abord puis la Petite, des vallées et une côte aux communautés résolument balnéaires puis la rivière Hartenbos…qu’il faut retraverser puisque nous avons raté l’intersection vers le resort Dibiki, site de villégiature et camping impeccable qui accueille surtout des retraités sud-africains blancs. C’est plein mais on nous offre une pointe de pelouse étant donné nos modestes besoins…et leur gentillesse! En fait, tout le monde est tellement gentil que nous avons l’impression de jouer dans un film de cinéma-réalité, genre The Truman Show, être les sujets d’une expérience anthropologique bizarroïde, cherchant en vain les coulisses pour interroger sa réalisatrice ou son réalisateur! Nous nous rendons compte que plusieurs sont des Suidlanders, adeptes d’un mouvement politico-religieux qui se préparent à l’avènement d’un conflit racial violent en Afrique du sud, révolution de la population noire, majoritaire et bafouée, contre la minorité blanche, minoritaire et privilégiée. Le mouvement consiste dans l’adoption d’un plan d’urgence détaillé pour y préparer la Minorité Chrétienne Protestante Sud-Africaine et la sauver. On a donc vendu sa maison et entreposé ses provisions et autre matériel prescrit par le plan dans un lieu sécurisé et on se promène avec sa roulotte de camping en camping en attendant…la révolution! On prie pour notre sécurité et nous remet à la route…

La Route du Jardin plonge vers les embouchures des rivières Braak que rabroue le ressac de l’océan Indien. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Notre pointe de pelouse à 200 rands la nuit au resort Dibiki, encerclés de gentils complotistes nomades… Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Nous délaissons la côte pour nous hisser une fois de plus vers l’intérieur du continent et réintégrer le royaume du Petit Karoo, sa « longue plaine » (Langskloof) et sa fameuse Route 62…via 2 cols de montagne!

Autre passage des monts Outeniqua, en direction du Petit Karoo et au col Robinson (860 mètres) cette fois. Inauguré en 1869, reconstruit en 1951 puis remis à niveau l’année dernière, il a remplacé le plus ancien col entre la côte et le Langskloof, l’Attaquas Kloof, connu des administrateurs de la VOC (Vereenigde Oost-Indische Compagnie ou la Compagnie néerlandaise des Indes orientales) depuis 1668. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Une douzaine de bornes au nord du col Robinson, nous bifurquons vers l’ouest sur une piste qu’empruntaient en charrettes les premiers colons du Petit Karoo dans leurs déplacements le long du Langskloof. Ce trajet des plus atmosphériques nous conduit à travers le canyon de la rivière Gourits et par-delà les monts Rooiberg à Calitzdorp, capitale sud-africaine du porto sise sur la Route 62, initiative touristique de la province du Cap-Occidental inspirée de la fameuse Route 66, aux États-Unis. La contrée est tellement sereine que nous avons l’impression de flotter sur la garnotte…

Nous faisons escale à la ferme Paardebond chez les Fourie, Cornel et Doreen. Il fait plus de 35 degrés et nous leur avons demandé la permission de prendre une pause à l’ombre de leurs arbres, les seuls en bord de piste. Cornel juge notre requête fort appropriée car Paardebond, qui signifie « station de chevaux », se trouvait à mi-chemin entre Le Cap et Port Elisabeth sur cette piste de charrettes sillonnant le Langkloof et c’est ici qu’on changeait les attelages… On nous apporte tout de suite de l’eau froide provenant des sources de la montagne qui porte le nom de famille d’Huguenots : Fourieberg. Fourie résulte de la « néerlandisation » de Fournier. La ferme a été fondée en 1723 par les ancêtres de Cornel qui ne parle plus du tout français. Nous écoutons avec beaucoup d’empathie ses récits passionnés touchant ses années de jeunesse à cultiver avec son père des pêches, abricots et raisins, une époque révolue avec les pluies qui se font de plus en plus rares ou encore l’épisode des feux de forêt il y a une dizaine d’années qui lui ont fait perdre des centaines de moutons, brûlé une cinquantaine de kilomètres de clôture et presque tout sauf leur résidence, une consolation qu’il attribue à un miracle, les yeux mouillés et tournés vers le ciel. Il nous confie qu’ils gagnent désormais leur vie à cultiver des herbes qui se retrouvent sur les tablettes des supermarchés du continent : basilic, origan, thym, romarin et sauge. « Nos acheteurs disent que nos herbes sont les plus aromatiques. C’est vraiment un coin de pays magnifique! » ajoute-t-il avec fierté. Nous retournons sur la route émus, une bouteille de plastique de 2 litres pleine de glace fixée au support à bagages arrière…merci! Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Campement sur la rive droite de la rivière Gourits, en marge du premier lacet hors de son canyon. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

La piste publique, cet ancien chemin datant du début de la colonie néerlandaise, franchit plusieurs domaines privés avec clôtures libre-service! Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

À la descente du col Rooiberg (797 mètres) vers Calitzdorp, nous obtenons une vue imprenable sur la cluse de Gamkaskloof, « Die Hel », frontière naturelle entre les Klein et Groot Swartberg. Par-delà l’immense échancrure, on discerne le ciel cristallin du Grand Karoo qui s’étend plus au nord jusqu’aux déserts du Kalahari et Namib, parmi nos prochaines destinations. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Parvenus à la Route 62 et son bitume à Calitzdorp, nous mettons le cap vers l’ouest et le col Huis River (655 mètres). Nous n’évoluerons que sur un segment de 125 kilomètres de cette route considérée panoramique, de Calitzdorp jusqu’à Barrydale via Ladismith. Encore une envoûtante immersion dans le Karoo et chouette diversion asphaltée! Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Inspiration ouest-américaine bien sentie sur la Route 62 au Karoo Moon Motel et son Diesel & Creme Café! Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

En quittant Barrydale et la Route 62 pour franchir au sud les monts Langeberg au col Tradouw (357 mètres), nous avons fait nos adieux au Petit Karoo et mis le cap sur l’extrémité méridionale de l’Afrique, Kaap Agulhas alias le cap des Aiguilles. Le passage tout en douceur dans cette autre chaîne de la ceinture plissée du Cap suit la rivière Buffeljags qui s’est creusé un lit dans les roches sédimentaires créant ainsi un gouffre impressionnant. Comme on annonce 38 degrés, nous nous dépêchons de traverser et gagner le camping Umshanti sur les bords du réservoir Buffeljags qui alimente les cultures de céréales qui abondent dans la plaine, la fameuse région de l’Overberg. On désigne ainsi les landes qui se trouvent de l’autre côté de la première chaîne de montagne à l’orée du Cap : les monts Hottentots-Holland. Blé, avoine et canola y prospèrent sous le soleil austral et dans ce climat méditerrannéen…tout comme les raisins!

En compagnie de la rivière Buffeljags, nous traversons la chaîne du Langeberg au col Tradouw (357 mètres), une autre œuvre du padmaker—« constructeur de route »—Thomas Bain qu’il a réalisée en 1873. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

On prépare les fameux roosterkoek au bistro Oude Poste de Buffeljagsrivier. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Au réservoir de Buffeljags, hésitant entre un trajet tout en asphalte et fort achalandé qui passe par Swellendam, 3ème plus ancienne agglomération d’Afrique du sud, et un autre tout en gravier qui swingue dans les champs de blé et nécessite l’emprunt d’un ponton gratuit pour traverser la rivière Breede, les deux conduisant au centre céréalier de Bredasdorp puis L’Agulhas, l’extrémité sud du continent africain, nous optons pour la tranquillité des fermes et l’expérience nautique. Nous savions que le ponton éprouvait des difficultés mécaniques depuis plusieurs jours et que le service était suspendu mais quand le propriétaire du camping Umshanti a appelé avant notre départ pour s’enquérir en afrikaans de l’état de l’embarcation, une bonne idée avec un trajet de plus de 30 kilomètres jusqu’au point de traverse, on a répondu qu’il était réparé et que les navettes avaient repris. Super! Nous nous lançons! Arrivés sur les berges de la Breede, nous y retrouvons quelques bakkies dont un enlisé dans le sable. Les conducteurs nous apprennent que le ponton, qui se trouvait amarré sur l’autre rive, était encore en panne. Pendant que nous assimilions la nouvelle, un groupe de motocyclistes allemands en voyage organisé débarque. Ils étaient encore plus déçus que nous d’avoir à rebrousser chemin. Nous contactons toutefois l’hôtel Malagas qu’on aperçoit de l’autre côté avec sa petite flotte de mini bateaux-maisons pour voir si quelqu’un ne pouvait pas venir nous cueillir. Nous proposons même d’y passer la nuit pour mousser notre requête…qui a été acceptée! Et c’est comme ça que nous avons consenti à dépenser la plus grosse somme de ce voyage pour faire dodo…heureusement que c’était la Saint-Valentin!

Mini bateau-maison à notre rescousse sur la rivière Breede : cap sur l’hôtel Malagas…droit derrière! Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Nous joignons les hordes et attendons notre tour pour faire nos dévotions touristiques au cap des Aiguilles alias kaap Agulhas. Puisque l’extrémité méridionale de l’Afrique marque la frontière entre les océans Indien et Pacifique, nous saluons celui-là et le remercions pour la quantité inouïe de bons moments passés en sa compagnie! Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Ça faisait déjà une couple de semaines que nous correspondions avec Marieta, radieuse enseignante à la retraite qui nous a invités à lui rendre visite dans sa maison de Struisbaai, village le plus près du cap des Aiguilles—c’est l’un de nos voisins gentils du resort Dibiki d’Hartenbos et adeptes du plan d’urgence décrit ci-haut qui nous avait mis en contact…et c’est Marieta qui nous a révélé le secret de ses amis! Comme nous avons rencontré Robert qui venait lui aussi se prosterner à ce monument du bout de l’Afrique après l’avoir traversée en entier à moto depuis son pays, l’Allemagne, Marieta l’a aussi invité : « Emmenez-le, j’ai une autre chambre! » a-t-elle spontanément répondu lorsque nous lui avons rapporté la nouvelle…ADORABLE! Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Après avoir franchi sur une piste poussiéreuse la zone des marais de Nuwejaar qui longe le parc national de L’Agulhas, notre parcours emprunte la rue de l’Église du suprenant et rafraîchissant village d’Elim en un défilé devant ses magnifiques chaumières bigarrées. Le village, qu abrite 2500 habitants, presque tous des descendants d’esclaves « colored » aux gènes d’origines indienne, indonésienne, africaine et européenne mélangés à ceux des indigènes du Cap, les éleveurs Khoi et chasseurs-cueilleurs San, a été fondé en 1824 quand des missionnaires de l’église morave se sont installés dans ce site de l’Overberg. D’abord un lieu de refuge pour la population Khoi qui avait maille à partir avec les nouveaux venus de la colonie du Cap, sous le joug des Britanniques depuis 1806, la mission allemande a ensuite accueilli les esclaves affranchis suite à l’abolition de l’esclavagisme. Appauvris et diminués par leurs anciens maîtres, ils y ont trouvé le soutien nécessaire pour se reprendre en main. Suite à leur baptême, outre l’octroi de lopins pour construire leur cottage et cultiver ainsi qu’une aide financière pour « se lancer », on leur enseignait des métiers utiles dont certains ont été transmis de génération en génération comme la construction, réparation et entretien des toits de chaume. Les experts de toits de chaume d’Elim sont reconnus et sollicités dans le monde entier! Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Nous faisons le plein à l’ombre d’un centre commercial en banlieue d’Hermanus, sur la fameuse Côte des Baleines que nous délaisserons le temps d’une incursion dans les vignes des réputés terroirs des vallées d’Hemel-en Aarde et Bot Rivier. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Le temps file à toute allure dans les vignobles de la vallée Hemel-en-Aarde et nous sommes pris de court en fin de journée. Incapables de franchir le col Shaw (370 mètres), qui permet à la route 320 de relier Hermanus et Caledon, nous nous sommes néanmoins dénichés un endroit propice et camouflé pour ériger nos quartiers pour la nuit. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Piste raccourci atmosphérique de l’autre côté du col Shaw, en route vers un bref segment de N2, à l’est de Bot Rivier, et d’autres vignobles exquis! Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Des grues de paradis (Grua paradisea), autres emblèmes nationales de l’Afrique du sud, se chicanent ou se font la cour dans un champ de cette piste sereine vers Bot Rivier. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

De retour sur la Côte des Baleines, à Betty’s Bay, des individus d’une autre espèce quasi-endémique d’Afrique du sud—on en retrouve également sur la côte de Namibie—, des manchots du Cap (Spheniscus demersus) squattent les parages d’une ancienne station baleinière, « vacante » depuis 1930. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Nous faussons compagnie à la célébre Clarence Drive et son bitume pour quelques kilomètres de bonheurs vélocipédique et atlantique entre Pringle Bay et Rooiels. Le fynbos côtier élève et embaume! Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

De retour sur la Clarence Drive, qui s’accroche aux parois des montagnes du Cap, spectaculaire exercice de suspension au-dessus de l’Atlantique austral, et s’étire entre et Betty’s Bay et Gordon’s Bay, nous « amerrissons » sur la plage de la baie de Kogel. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Les grands requins blancs et autres parents aux redoutables mâchoires fréquentent en grand nombre la côte est de l’Afrique australe, attirés par toutes ces proies qui y puisent une abondance de nutriments, tout comme les surfeurs qui s’y éclatent sur les vagues parmi les plus tripatives de la planète Bleue. L’organisme SharkSpotters, fondé en 2004, tente de réduire les risques de la cohabitation entre humains et requins par la promotion de la sécurité et de la recherche scientifique. Deux chapitres oeuvrent en ce sens, le premier à Plettenberg Bay et le second au Cap où on a mis en place des unités de prévention et secours. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Par-delà False Bay, le profil accidenté de la péninsule du Cap et le célébrissime cap de Bonne-Espérance. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Léger retour/détour vers l’est via les cols Sir Lowry (460 mètres) et Franschoek (736 mètres), passages dans les monts Hottentos-Holland, histoire de se familiariser avec les concoctions de quelques vignobles des prolifiques terroirs sud-africains. On remarque le passage récent d’un incendie de forêt dans le fynbos tapissant les versants du col Franschoek. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Vallée et ville de Franschoek, terre d’accueil africaine des Huguenots aux commencements de la colonie du Cap. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

L’héritage français des Huguenots saute aux yeux dès l’arrivée à Franschoek. Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Autre mission oenologique accomplie à la sortie de Franschoek et poursuite vers Stellenbosch… Province du Cap-Occidental, République d’Afrique du sud.

Plus de 9000 kilomètres depuis Dar es Salaam, point de départ de cette deuxième étape, et près de 30 000 bornes depuis Stavanger, en Norvège, KM 0 de cette odyssée vélocipédique, faire escale au Cap représente un important jalon d’un point de vue symbolique et quelques pirouettes d’ordre logistique : récupérer nos boîtes chez Leatt, faire le tri en vue de nous délester pour le dernier tiers ou quart de cette étape, expédier le tout à notre camp de base et rédiger le 51ème billet. Sitôt après nous avoir extirpés des vallées vinicoles des monts Hottentots-Holland, Franschoek et Stellenbosch, puis être allés déguster sur rendez-vous les vins bios du vignoble Reyneke, nous avons parcouru les banlieues nord du Cap jusqu’aux collines de Durbanville. Là, nous avons fait escale à la ferme Anna Beulah, invités à y passer quelques jours dans un somptueux appartement de son complexe événementiel « L’Arche », le temps de récupérer nos pièces de rechange Shimano et Maxxis ainsi que less produits Squirt Cycling qui nous attendaient au QG de Leatt, stratégiquement situé à 6, 4 kilomètres de la ferme, et procédé à l’une des plus importantes opérations mécaniques du voyage : remplacer les chaînes, cassettes, pignons et pneus. Sur nos Boréal ainsi rajeunis et revigorés, nous avons pédalé une vingtaine de bornes jusqu’à la côte à Bloubergstrand, haut-lieu de la planète « kitesurf » sis au nord de Table Bay et juste en face du centre-ville iconique du Cap. Nous vous écrivons justement depuis l’un des repaires de ces as de la glisse et de la voltige, aussi cyclophile, le convivial Tabu House…entre slalomeurs à l’extrémité d’un continent!

             

Délices du Karoo et du Jardin! (Prince Albert, Afrique du sud - KM 28 855)

One Comment

  1. Angela et Ken

    Phew – where to start? Just admiration for your grit and determination (and you certainly needed it!), not to mention your writing: the ability to paint the picture and draw the reader along on the journey. You did, indeed, choose to take the path less travelled, but that’s where the best stories lie. We are thinking of you on the next stage of an amazing odysée. Bon courage et bonne route!

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