Surf’n turf norvégien: fjords, plateaux alpins et littoral océanique! (Kristiansund, Norvège – KM 990)

Depuis la p’tite ville d’Odda, notre circuit en montagnes russes enfilant fjords nourriciers et plateaux alpins, manège de haute voltige et parcours acrobatique, s’est poursuivi sur des centaines de kilomètres jusqu’à l’Atlantique en un succulent surf’n turf norvégien! Coincés entre les flots verts embrouillés de poudre glaciaire et falaises striées de cascades, des vergers plantés de cerisiers, pommiers, poiriers et framboisiers prospèrent le long du bras sud du fjord Hardanger entre Odda et Utne. Dans le petit port pittoresque, nous nous embarquons sur un traversier vers Kvanndal, qu’un quai et quelques bâtiments de l’autre côté de l’Hardanger. Remontons un minuscule bras de fjord au nord jusqu’au village de Granvin, montagnes russes miniatures suspendues aux parois velues de la vallée glaciaire inondée. Le temps change rapidement ici et des nuages bleus noirs se pointent. Effectuons la descente vers Granvin, village à vocation forestière évoquant contrée Hobbit avec ses petites maisons en bois coiffées de broussailles, dans les excès du tonnerre et des éclairs…puis l’orage nous rejoint! Érigeons nos quartiers pour la nuit dans un abri en bois rond flambant neuf, nouvelle addition au musée qui ouvre une fenêtre sur la vie des pionniers dans la région…encore plus l’impression d’être chez les Hobbits!

Remontons la rivière Granvin puis demeurons sur la vieille route—la nouvelle franchit les montagnes en un long tunnel interdit aux cyclistes—qui se hisse de plus en plus abruptement puis en quelques lacets par-dessus un plateau qui nous sépare de Voss, la capitale auto-proclamée du plein air en Norvège. Dans la ville sise sur les berges d’un lac et entourée de montagnes aux neiges éternelles, on célébrait les sports extrêmes la semaine précédant notre arrivée en un festival conviant casse-cou de ski hors-piste, kayak en eau vive, basejumping et parapente à montrer leur savoir-faire en diverses compétions. Prenant ça mollo, nous cassons plutôt la croûte sur le bord du lac, refaisons le plein avant de remonter une autre vallée jusqu’à la station de ski et les alpages de Myrkdalen.

Pédalant à l’étage des 1000 mètres à nouveau, entourés de rocs sculptés par les glaces, bancs de neige, lacs et torrents d’une limpidité édifiante, nous basculons du côté du fameux fjord Sogne, l’un des plus longs de la planète avec ses 204 kilomètres, et le village de Vik. Ici, nous effectuons escales architecturales aux églises de Hove et Hopperstad. Construites toutes deux il y près de 1000 ans, au cœur de l’époque des Vikings, celle-là en pierres et celle-ci en bois debout, elles représentent toutes deux de véritables joyaux du patrimoine culturel de la Norvège.

Franchissons le fjord en empruntant un énième traversier entre Vangness et Hella puis longeons le Sognefjorden jusqu’à Skjolden via Leikanger, la capitale de la p’tite industrie fruitière du pays, et les Sogndal, Gaupne et Luster. À Gaupne, nous pédalons officiellement sur la Sognefellet, l’une des Routes Touristiques Nationales (RTN) en Norvège—on devrait en compter 18 d’ici la fin 2015 et nous en aurons roulées quelques-unes! C’est un segment de plus 100 kilomètres reliant le fjord à Lom, dans la vallée de la rivière Otta, via les plus hautes montagnes du pays et le sommet du réseau routier norvégien à 1435 mètres au-dessus du fjord! Grimpe intense de la mer au ciel. Adeptes de la transhumance, des premières vaches nous passent en camion pour aller passer le reste de l’été là-haut—il y a plusieurs semaines que les moutons, plus robustes, s’y gavent déjà! Nous retrouvons les gentilles bovines nomades à l’étage des 800 mètres. Parvenus dans les parages du sommet en fin de journée, dans un brouillard glacial avec rafales de vent de plus de 50 km/h, nous avons pu tester notre Hubba Hubba NX qui s’en est tirée dignement…quand même une nuit pas reposante!

Flânant sur le plateau alpin quelques heures avant de descendre vers Lom, athlètes de ski de fond de haut calibre s’entraînant sur des pistes aménagées en bord de route non loin de l’hôtel Sognefellet, nous croisons plusieurs cyclistes participant au Tour de Sognefell, une cyclosportive de 137 km entre Lom et Sogndal…nous nous demandons encore si nous apercevoir ainsi chargés comme des yaks les encourageait ou décourageait!

À Lom, un carrefour de montagne donnant accès à 3 parcs nationaux norvégiens (Jotunheimen, Jostedalsbreen et Rondane), nous remontons le cours de l’Otta jusqu’à un plateau de 1000 mètres où nous rejoignons une autre route touristique nationale, la Geiranger-Trollstigen. Arrivés en fin de journée à Grotli, site d’un hôtel historique et station de ski à l’orée de ce plateau, dans la grisaille d’un brouillard d’altitude, nous découvrons 4 mousquetaires sur roues de Gallicie qui arrivaient de Stryn via une ascension et randonnée épique. Attablés dans le stationnement de l’hôtel et grelottant, nous sympathisons puis décidons de camper dans la cabine des opérateurs de la remontée mécanique de la petite station, en vacances pour l’été! Un couple de jeunes randonneurs originaire de la Nouvelle-Angleterre s’y trouve déjà et nous accueille. C’est ainsi que s’est matérialisé un p’tit party de vagagonds sous le soleil de minuit…qui n’a pas daigné se montrer! Orgie d’anecdotes d’équipées aux quatre coins de la planète sur fond de solidarité!

Notre odyssée et manège dans les fjords de l’ouest se sont poursuivis jusqu’à Andalsnes via Geiranger, fleuron de l’industrie touristique norvégienne figurant sur la liste de tous les croisiéristes en Scandinavie, Valldal et la fameuse route Trollstigen alias l’échelle des trolls qui a, justement, fait le régal de nos Trolls Surly avec ses 11 lacets qui prennent d’assaut une spectaculaire paroi—nous gardons les détails de tous ces circuits et coups de pédale pour plus tard puisque nous concocterons un article pour Vélo Mag qui discutera des possibilités que la Norvège recèle pour les voyages à vélo.

Nous avons continué vers le littoral de l’Atlantique et croqué encore plus dans ce surf’n turf en franchissant le fjord Romsdal. La ville des roses, Molde, nous a accueillis avec un tunnel sous-marin interdit aux cyclistes et piétons. C’est un bus qui est venu à notre rescousse. Et pour entrer dans la ville de Kristiansund, construite sur 4 îles, par-delà la route touristique nationale de l’Atlantique avec ses ponts de béton spectaculaires sautant d’îlot en îlot, nous avons été secourus par un bon Samaritain après qu’il eut été témoin de nos tentatives de faire du pouce pour franchir un autre tunnel sous-marin interdit, des travaux passifs et abrutissants de plusieurs heures : « Embarquez! Je ne veux pas que vous conserviez un mauvais souvenir de votre passage dans ma ville. On devrait trouver une solution bientôt pour l’accès des vélos! »