Autre bout de route faste en Tanzanie qui nous conduit vers sujets qui nous tiennent à cœur, respectivement le thème de l’expédition en cours et celui de la précédente : nomades et volcans! Nous pédalons avec appétit, les mollets voraces et l’esprit salivant…

En quittant Singida, nous pénétrons en territoire Barabaig et consommons d’énièmes retrouvailles avec la vallée du grand rift : « Kabila? (De quelle tribu?) » « Mang’ati! » nous répond le jeune Barabaig venu s’enquérir au sujet de la présence de notre campement érigé sur ses pâturages. En maa, la langue des Maasaï, mang’ati signifie les « ennemis »! Un compliment venant de la célèbre tribu belliqueuse! C’est d’ailleurs le nom que porte la plaine qui s’étend en bas de l’escarpement où nous nous tenons, territoire d’adoption des Barabaig depuis que les Maasaï les ont chassés des terres plus au nord dans le rift, les parages du plateau steppique et volcanique du Ngorongoro…pas toujours aisée la cohabitation nomade!

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Depuis que nous avons intégré la savane au sud du Seregenti que nous sommes confrontés à ces hallucinations qu’incarnent les kopje, terme afrikaans désignant ces collines formées de rochers telles des îlots parmi flots herbeux. La p’tite ville de Singida est érigée sur un véritable petit archipel de kopje dont ceux-ci, à sa sortie. Région de Singida, République unie de Tanzanie.
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À l’intersection entre les routes conduisant à Arusha et Dodoma, capitale nationale, nous quittons le mgahawa où nous avons dîné en instruisant un autre client au sujet de nos déplacements : « Oui, oui, il y a 20 mois, nous avons débuté cette balade en Norvège… » Région de Singida, République unie de Tanzanie.
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Brouillard matinal et vapeur du campeur enveloppent notre bivouac érigé sur une arête dominant le rift et la plaine de Mang’ati. Région de Manyara, République unie de Tanzanie.
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En territoire Barabaig, chaussures nomades! Région de Manyara, République unie de Tanzanie.
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Au village de Katesh, tapi à la base du mont Hanang (3420 mètres), un volcan touffu et éteint, quelques représentants d’une famille de fermiers Iraqw viennent nous saluer. La tribu de sédentaires partage les mêmes vallées et plateaux des environs que les Barabaig. Ici, éleveurs et agriculteurs s’accordent et se complètent. Région de Manyara, République unie de Tanzanie.
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Petits Iraqw nous souhaitent la bienvenue aux abords du village de Dareda. C’est d’ici que nous délaissons la grand’route pour nous hisser hors du rift par-delà un autre escarpement et ainsi entreprendre l’exigeante et sympathique piste qui conduit à Dongobesh, Mbulu et Karatu, aux portes de la fameuse aire de conservation du Ngorongoro ainsi que des pays Hadzabe et Maasaï. Région de Manyara, République unie de Tanzanie.
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La série de lacets abrupts qui se déploie sur une dizaine de bornes et prend d’assaut l’escarpement de Maldabow est asphaltée. Cela évite de la reconstruire au lendemain de chaque saison des pluies! En souquant ainsi, nous obtenons de magnifiques vistas sur la face nord du mont Hanang (3420 mètres) et lac Balangida. Nourrie par les sources dissimulées sous le vieux volcan, l’étendue d’eau douce rend la vie possible dans la plaine de Mang’ati, l’aride domaine des Barabaig. Région de Manyara, République unie de Tanzanie.
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En route vers Mbulu, aloès en fleurs, on apprend le métier d’éleveurs Barabaig. Ne vous inquiétez pas, même si sérieusement concentré sur son travail, le novice était précédé de son père qui dirigeait d’autres chèvres et vaches! Région de Manyara, République unie de Tanzanie.
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Rutilante moto chinoise au carrefour de Karatu, passage obligé vers l’aire de conservation du Ngorongoro. Le fabricant Hualin semble avoir saisi certaines nuances du psyché africain pour mettre en branle un marketing efficace! Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.

Parvenus au village de Karatu sur l’artère goudronnée reliant le parc national du Serengeti et l’aire de conservation de Ngorongoro à la ville d’Arusha, troisième plus grande agglomération de la Tanzanie et capitale mondiale du safari, nous mettons le cap vers l’est jusqu’à l’oasis de Mto Wa Mbu, à la tête du lac Manyara. Le trajet d’une trentaine de bornes se termine avec une double descente qui marque notre retour dans le fond du grand rift africain. Nous établissons nos quartiers au Twiga Lodge, vaste complexe hôtelier des plus polyvalents, histoire de planifier nos prochains déplacements en territoires nomades : chez les Hadzabe et Maasaï!

Après maintes recherches, nous réalisons qu’il nous faudra rebrousser chemin pour rencontrer des Hadzabe qui vivent encore de la chasse et de la cueillette comme l’ont fait leurs ancêtres pendant des millénaires. On estime qu’ils ne seraient plus qu’un millier, se démenant parmi camps et villages disséminés sur le pourtour du lac Eyasi, au sud de l’aire de conservation du Ngorongoro, et moins de la moitié pratiqueraient toujours leur mode de vie traditionnel. Ceux-ci chassent et cueillent sur un territoire occupant la rive orientale du lac Eyasi seulement puisque les Hadzabe ont perdu plus des trois quarts de “leurs terres” depuis les années 1950. Il faut donc retourner à Karatu puis filer vers le lac Eyasi et village de Mang’ola sur une piste cahoteuse. Nous optons pour un aller-retour en daladala, ces mini-camionnettes et VUS moribonds qui servent au transport public, puis confier notre mandat au bureau de tourisme culturel local comme on en retrouve un peu partout en Tanzanie, histoire de changer le mal de place et voir de quoi il en retourne avec cette forme d’exploitation touristique de cultures et modes d’existence menacés, en voie d’extinction. Bien que nous ayons quand même réussi à entrer en contact avec un jeune Hadzabe qui vient d’obtenir un diplôme universitaire, l’un des deux seuls au monde jusqu’à maintenant, et veut se consacrer à la protection de leurs droits, nos routes ne font que se croiser pour l’instant…pas toujours facile de suivre d’autres personnes mobiles se mouvant en zones souvent reculées et inaccessibles! Disons que nous l’avons eu plus facile avec les volcans du cercle de feu du Pacifique!;-)

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Entre Karatu et Mang’ola, nous prenons place dans une boîte de sardines sur 4 roues. Il s’agit d’une expérience qui renforce notre sentiment que voyager à vélo est la meilleure façon de se déplacer sur les pistes et routes de notre planète! Sympathique et folklorique, tout de même! Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.

Sur une arête plantée de baobabs, acacias et buissons épineux qui surplombe le lac Eyasi et part rejoindre les pentes du vieux volcan Satiman (2654 mètres), en périphérie du cratère du Nogorongoro, accompagnés d’un guide, nous rejoignons à moto un groupe d’Hadzabe installés pour un temps là-haut. Nous y sommes accueillis selon un protocole qui nous met a l’aise puis notre guide Jay-Jay, mi-Iraqw, mi-Datoga, s’entretient avec nos hôtes aux huttes de paille saisonnières et grottes millénaires en balbutiant la langue des Hadzabe, une langue à clic apparentée à celle que parlent les San du Kalahari, autres chasseurs-cueilleurs d’Afrique. Pendant qu’on astique ses pointes de flèches dont certaines sont enduites d’un poison à base de rose du désert alias baobab chacal (Adenium obesum), le chef, Mambos, fait tourner une baguette de bois dur dans une plaque de bois mou afin de s’allumer une pipée de ganja tandis que Jay-Jay nous apprend que nous partons à la chasse dans quelques minutes…

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Le chef Mambos nous accueille dès l’aube dans sa hutte saisonnière…les longues pluies s’en viennent! Selon la grille tarifaire du programme de tourisme culturel, la gang de Mambos recevra 40 000 shillings tanzaniens (±US$20) pour mettre en scène leur routine matinale et nous emmener faire un tour de chasse à l’arc pendant une couple d’heures. Parions que les chances de ramener du gibier au camp, dans ces conditions, avec des touristes aux trousses, sont minces! En fait, Mambos n’a réussi qu’à transpercer un moineau et blessé un écureuil… Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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En une scène fluide et immémoriale, Mambos et ses chiens de chasse super futés arpentent leur domaine truffé d’épines à l’affût de gibier. Le vieux volcan Satiman (2654 metres), à l’arrière-plan, épie leurs moindres gestes… Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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Notre forfait acheté au bureau du programme de tourisme culturel de Mang’ola incluait une visite de pasteurs Datoga, ethnie originaire de la vallée du haut Nil qui englobe les Barabaig. Jay-Jay nous emmène en périphérie du village chez une famille habituée aux visiteurs. Polygame, le chef du groupe « possède » 9 épouses. Il était parti depuis plusieurs mois vers d’autres pâturages en compagnie de 6 de ses femmes. Sur la photo, seulement l’une de ces Datoga est mariée à ce patriarche, les autres étant des épouses de ses fils. On était curieuse à notre égard et quand on nous a demandé combien de vaches coûtait une épouse, à la blague, je rétorque: “Gratuit, aucune vache! Mon beau-père m’a fait un bon deal!” Les dames Datoga ont bien ri!  😉 Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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Visitons une autre famille Datoga spécialisée depuis des générations dans la fabrication de projectiles et bijoux. C’est avec eux que traitent les Hadzabe : pointes de flèches contre viande de gibier ou miel sauvage. La fonderie de brousse est activée par deux soufflets mûs à la main et carbure au charbon de bois. Tenailles et marteau à la main, on fait fondre un robinet pour obtenir le cuivre qu’on refaçonnera en bracelet. Avec des clous, on fabrique les pointes de flèches. Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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Plus que l’embarras du choix! Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.

De retour à Mto wa Mbu et au Twiga Lodge où nous attendaient nos Trolls, nous nous approvisionnons pour notre incursion en pays Maasai et mission vers le lac Natron et le volcan Ol Doinyo Lengai, expression maa signifiant la « montagne de dieu »! Nous nous lançons donc sur une piste qui lèche le fond du rift, l’escarpement par-delà duquel s’étend l’aire de conservation du Ngorongoro se dressant tel un rempart de végétation sur notre gauche. Nous évoluons autour des 1000 mètres d’altitude pour plonger vers la fournaise du lac Natron à moins de 600 mètres. Chemin faisant, vaches et leurs maîtres Maasaï nous divertissent et étourdissent…

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Un jeune Maasaï s’en va aux vaches bien préparé, une bouteille d’eau à la main. Il est toujours étonnant que des bergers vaquant à leurs occupations en marge de leur camp ou ferme, demandent à des cyclistes de passage de quoi boire! Paraît-il qu’il s’agit d’une manière d’aborder les gens dans ces vallées torrides! Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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La pluie qui tombe avec constance sur le plateau volcanique et steppique du Ngorongoro cascade de l’escarpement et poursuit son chemin, ruisselle parmi les rides qui strient le fond du rift…au grand bonheur des vaches, chèvres et leurs pasteurs! Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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Au fond du rift, les hautes terres du Ngorongoro en mire, bivouac sur un plateau herbeux à mi-chemin entre les lacs Manyara et Natron. La veille, en préparant et ingurgitant à la frontale notre potée, nous avons été assaillis par des escadrons formés de centaines de drôles d’insectes volants et “mordeurs”, ressemblant à des cafards miniatures. Nous avons dû trancher en deux d’un coup de machette indonésienne quelques scorpions bien portants aussi! C’était mieux au réveil, tout ce beau monde retourné sous terre, girafes, zèbres, antilopes et gnous paradant dans la steppe… Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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Entre les villages maasaï d’Engaruka et Engaresero, le rift demeure sauvage et les pluies le transforment même en éden. Mais comme les prédateurs préfèrent la manne qui broute “là-haut”, sur le plateau du Ngorongoro et dans la plaine du Serengeti, on y pédale en toute sécurité. Comité d’autruches siégeant devant le vieux volcan Gelai (2942 mètres). Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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En descendant vers le lac Natron, on contourne la montagne sacrée des Maasaï, le volcan Ol Doinyo Lengaï (2962 mètres). Il s’agit d’une vingtaine de bornes éreintantes à avancer dans la cendre qui l’encercle. L’un des plus actifs du rift et continent africain, sa dernière éruption remonte à 2013. C’est le « « volcan le plus extraordinaire de la planète » selon le volcanologue Guy de Saint-Cyr. C’est le seul volcan à émettre des natrocarbonatites, des laves multicolores, d’abord noire et très fluide, puis rouge et enfin blanche comme neige après hydratation. » Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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Ce circuit entre les lacs Manyara et Natron est spectaculaire et stimulant, certes, mais c’est aussi une piste à péages dispendieuse. Entre les villages d’Engaruka et Engaresero, trois ditricts de la région d’Arusha ont arbitrairement établi des guérites pour prélever une taxe nébuleuse et douteuse pour chaque visiteur. Ainsi, pour franchir cette cinquantaine de kilomètres, nous avons dû défrayer la somme de 70 000 shillings (±US$35) chacun! Pour ceux qui poursuivent au nord en contournant le lac Natron jusqu’au village de Loliondo puis par-delà l’escarpement vers le Serengeti, d’autres droits de passage similaires sont à prévoir et inclure dans leur budget. Résultat : depuis l’imposition de ces frais controversés, deux fois moins de visiteurs sont venus y faire un tour! Bureaux régionaux du programme de tourisme culturel et opérateurs de safaris militent pour leur abolition…à suivre! Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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Le village maasaï d’Engaresero est un véritable oasis et nous profitons de cet improbable torrent pour prendre une pause et nous réhydrater avant d’aller nous établir au Halisi Camp, notre camp de base pour l’ascension de l’Ol Doinyo Lengaï et visite du lac Natron. Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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Moment émouvant sur les berges du lac Natron où nous « découvrons » les empreintes de nos ancêtres dans la boue pétrifiée. Ici, ont marché il y a quelque 120 000 ans, droit sur leurs deux jambes, des familles d’hominidés. Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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Magie et poésie des flamants roses du lac Natron. Jésus de Nazareth était-il un flamant? Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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Notre guide maasaï Sefania attend le lever du jour sur les lèvres du cratère de l’Ol Doinyo Lengaï, combattant le sommeil et le froid! L’ascension de 5 kilomètres, qui nous envoie 1600 mètres dans le ciel, de la base de ce cône vertigineux aux abords de son cratère fumant, représente une entreprise exigeante et périlleuse. En ajoutant la descente sur le même trajet vertical, sans filet de sécurité, il s’agit des 10 kilomètres de marche les plus intenses que nous avons parcourus…à vie! Puisque nous avons utilisé quelques muscles que ne sollicitent pas notre pédalage habituel, appréhendons douleurs tout aussi intenses dans les jambons pour les jours à venir: pédaler pour s’étirer! Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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Sefania amorce la descente MALADE, l’ombre de la « montagne de dieu » planant sur le rift et son escarpement occidental. Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.
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Halisi est un terme swahili qui signifie « authentique ». Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’établissement écolo—100% énergie solaire et eau de la rivière mécaniquement filtrée à la main, un coup de pompe à la fois!—et chaleureux—le personnel sait tisser des liens et mettre à l’aise…—est un îlot de confort et douceur dans cette contrée d’outre-monde. Un camp de base de choix pour explorer l’un des recoins les plus paumés et surréalistes du continent africain! Asante sana rafiki! Région d’Arusha, République unie de Tanzanie.

 

Twiga Approved Logo

Halisi-Logo

 

Coups de pédale en terre Maasaï! (Lushoto, Tanzanie - KM 20 480)
Transit faste! (Singida, Tanzanie - KM 19 425)

8 Commentaires

  1. Un autre reportage fascinant, des photos à couper le souffle! Vous poussez l’aventure au delà de l’inimaginable! Merci de nous faire rêver, de nous transmettre vos bonheurs nomades!

    Normand, Hélène

  2. Fascinant, Merci!
    Pierre de Québec!

    • Merci pour ton commentaire et cette attention! En progressant beaucoup plus lentement que les véloces de ces courses de cyclisme, nous entretenons l’espoir, si futile soit-il, que les autruches ne s’excitent point à notre passage…

  3. De belles photos les amis!

  4. Vraiment intéressant.
    La tranche de votre voyage que j’espérais.

  5. Et j’ai glissé une petite pub sur le site : voyageforum.com

    Vous l’avez gagnée!

  6. Un autre billet stupéfiant! Fascinant et inspirant à la fois. Merci du partage.

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